Loi MACRON : La désignation des huissiers de justice en qualité de liquidateur judiciaire

Etienne CHARBONNEL
Etienne CHARBONNEL - Avocat associé

 

 

Source : Loi n°2015-990 du 6 août 2015, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite Loi MACRON

 

Dans un premier temps, le projet de Loi MACRON avait envisagé de fondre en une seule profession juridique aux contours très larges, un certain nombre de professions aujourd’hui séparées : les mandataires judiciaires, les huissiers de justice, et les commissaires priseurs judiciaires.

 

Si l’idée a rapidement été abandonnée, il reste toutefois dans la Loi adoptée en août dernier, une mesure pour le moins surprenant, qui est la faculté pour les juridictions de désigner les huissiers de justice ou les commissaires priseurs judiciaires, en lieu et place des mandataires judiciaires, pour certaines procédures de liquidation, que l’on pourrait qualifier de simples, c’est-à-dire à l’encontre de débiteurs n’employant aucun salarié, et réalisant un chiffre d’affaires annuel HT inférieur ou égal à 100.000 euros (article 64 de la Loi MACRON).

 

Cette faculté offerte aux tribunaux de désigner ces professionnels aujourd’hui totalement étrangers aux procédures collectives, devra être définie par le gouvernement, lequel est autorisé par ce même article 64 à prendre, par voie d’ordonnance, et dans un délai de 10 mois, les mesures relevant du domaine de la Loi.

 

Si les ordonnances de mise en application de ce texte ne sont aujourd’hui même pas encore à l’état de projet, on s’interroge sur la pertinence de la mesure, et ce à plus d’un titre :

 

       Tout d’abord, les huissiers de justice ont, dans leur fonctionnement habituel, une clientèle, à la différence des mandataires de justice qui ne sont, quant à eux, désignés que par les juridictions.

 

La conséquence directe est le risque, évident, de conflits d’intérêt.

 

       Ensuite, et même si cela sera nécessairement amené à évoluer, les huissiers ne sont, en l’état de leur profession, absolument par acteurs des procédures collectives dans leur forme actuelle.

 

On ne peut ainsi qu’espérer que l’ordonnance à venir, fixant les modalités de leur désignation, prévoira des formations obligatoires, que les huissiers seront donc tenus de prendre sur leur temps professionnel, que l’on ne peut qu’imaginer déjà bien rempli.


Dit autrement, le risque est grand de ne voir intervenir, en la matière, que des études en manque de clientèle, souhaitant en bénéficier d’un effet d’aubaine, de récupérer une activité et donc un chiffre d’affaires complémentaire.

 

Se pose enfin la question de l’opportunité, pour la Juridiction, de désigner ces nouveaux intervenants, alors qu’ils auront alors à leur disposition, des professionnels aguerris, compétents, qui sont déjà les interlocuteurs habituels des chambres de procédure collective : les mandataires de justice !

 

Bien évidemment, il ne s’agit là que de conjectures, qui devront être confrontées à la réalité de l’ordonnance à intervenir.

 

Mais on imagine déjà que la transition ne se fera pas en douceur.

 

Etienne CHARBONNEL

Vivaldi-Avocats

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