Recouvrement simplifié des petites créances : le décret d’application de la loi MACRON est paru

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

SOURCE : Décret n° 2016-285 du 9 mars 2016, relatif à la procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, JO, 11 mars 2016, pris en application de l’article 208 de la loi n°2015-990 du 6 aout 2015 dite MACRON

 

Afin de faciliter le règlement des petites créances et sans doute dans un souci de palier l’engorgement des tribunaux d’instance qui seront de nouveau chargés, à compter du 1er janvier 2017 par l’effet de la suppression des juridictions de proximité, de trancher les « petits » litiges, la Loi MACRON a confié aux huissiers la direction d’une phase de résolution amiable des différends portant sur des créances de faible montant.

 

Les modalités de mise en œuvre de cette procédure simplifiée, insérée aux articles 1244-4 (dont les dispositions seront transférées sous l’article L125-1du CPCE dès le 1er octobre 2016[1]) et 2238 du Code civil, ont été précisées par décret du 9 mars 2016.

 

Afin d’appréhender cette procédure, qui ne sera ici décrite qu’au titre de son application, le lecteur Vivaldi-chronos prendra connaissance de notre article du 17 août 2015 : « Loi MACRON et recouvrement simplifié des petites créances : les huissiers ont gagné »

 

I – Les créances concernées

 

Il pourra être recouru à la procédure de recouvrement simplifiée lorsque le montant de la créance en principal et intérêts n’excède pas 4 000 euros, soit le double du montant envisagé dans le dossier de présentation de la loi MACRON.

 

II – Mise en œuvre de la procédure

 

La procédure simplifiée sera diligentée par un huissier de justice du ressort d’un TGI dans le département duquel le débiteur a son domicile ou sa résidence (art R125-1 2° CPCE), puis, à compter du 1er janvier 2017 à la faveur de la réforme de la compétence territoriale des huissiers de justice (art 54 de la loi MACRON) par un huissier de justice du ressort de la Cour d’appel où le débiteur a son domicile ou sa résidence.

 

L’huissier dument mandaté invitera le débiteur de son client à participer à la procédure par une LRAR qui devra mentionner les coordonnées complètes de l’huissier, du créancier, le fondement et le montant de la somme due en principal et intérêts (Art R125-2 CPCE).

 

La lettre devra contenir la reproduction des dispositions des articles L111-2 et L111-3 du CPCE relatifs au titre exécutoire et des articles 1244-4 (remplacé le cas échéant par l’article L125-1 du CPCE) et 2238 du code civil relatifs à la procédure simplifiée.

 

La notification devra en outre rappeler que le débiteur peut accepter ou refuser la procédure dans le délai d’un mois qui suit la notification de la LRAR :

 

En manifestant son accord par lettre contre émargement, directement ou par l’intermédiaire de toute personne spécialement mandatée, auprès de l’huissier;

 

En manifestant son refus par tout moyen, la lettre devant préciser que l’absence de réponse dans le délai d’un mois vaut refus implicite ;

 

La LRAR devra enfin contenir des formulaires d’acceptation et de refus dont le modèle sera défini par arrêté du ministre de la justice, et que le débiteur pourra utiliser pour transmettre ses intentions à l’huissier.

 

Dès la notification de la LRAR, l’huissier et le débiteur pourront également échanger par voie électronique sur une plateforme placée sous la responsabilité de la chambre nationale des huissiers de justice, qui ne sera accessible qu’à compter d’un arrêté du garde des sceaux qui en précisera les modalités techniques et les garanties relatives au mode de communication (article 2 du décret).

 

Cette première partie de la mission de l’huissier autorise non seulement le débiteur à ne pas s’acquitter de sa créance, le créancier ne recouvrant ses droits de poursuite qu’au jour du constat du refus exprès ou implicite du débiteur par l’huissier, mais lui interdit également de s’acquitter de sa dette tant que les diligences de l’huissier sont en cours (R125-7 CPCE). Cette mesure, destinée à éviter tout conflit d’intérêt de l’huissier, obligera-elle le créancier à restituer au débiteur les sommes versées en violation de cet article ?

 

III – déroulement de la procédure

 

En cas d’acceptation du débiteur de participer à la procédure simplifiée, les parties disposent d’un délai d’un mois à compter de la notification de la LRAR pour s’accorder sur le principe, le quantum, et les modalités de paiement de la dette.

 

Par conséquent, si la notification est réalisée le 15 janvier, et que l’accord du débiteur parvient à l’huissier le 14 février, les parties auront une journée, soit au plus tard le 15 février, pour se mettre d’accord, conformément aux dispositions de l’article 641 du CPC régissant les règles de computation des délais. Si le dernier jour est un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, le délai devrait être prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.

 

Si les parties ne parviennent pas à trouver d’issue amiable à cette procédure, l’huissier ne pourra que constater l’absence d’accord « sur le montant et les modalités de paiement » à « l’expiration du délai d’un mois ».

 

Pour cette raison, bien que la lecture de l’article R125-4 conduise à considérer que les négociations sur un éventuel échéancier ne peuvent intervenir qu’à réception de l’accord du débiteur de participer à la procédure, il pourrait paraître opportun à l’huissier d’anticiper dès la notification initiale, ou rapidement par une relance du débiteur, en portant à sa connaissance, sur accord du créancier, une proposition d’échéancier.

 

IV – L’issue de la procédure

 

L’huissier clôt sa mission par le constat de l’accord, qui suspend le délai de prescription de l’action du créancier, ou du refus exprès ou implicite du débiteur, lesquels n’ont aucun effet interruptif de prescription.

 

Aucun délai n’est imparti pour la réalisation du constat de l’huissier. Ce dernier devra cependant agir avec diligence pour ne pas engager sa responsabilité à l’encontre de son mandant qui ne peut recevoir, entre temps, aucun paiement, et dont la prescription de l’action est susceptible de se poursuivre en cas de refus du débiteur de participer à la procédure.

 

En cas d’accord (art R125-6 du CPCE) l’huissier délivre au créancier un titre exécutoire qui récapitule l’ensemble des diligences accomplies en vue de cet accord, et au débiteur une copie de ce titre, aux frais du créancier.

 

A l’instar du titre exécutoire délivré en vertu du non paiement d’un chèque bancaire (article L 131-73 du Code monétaire et financier), le titre délivré dans le cadre de la procédure simplifiée ne sera pas l’égal d’un jugement, et s’il permettra de nombreux actes d’exécution, tel que la saisie attribution sur le compte bancaire, la saisie vente mobilière, saisie rémunération, etc. il ne permettra pas, par exemple, l’inscription d’une hypothèse judiciaire définitive[2].

 

En toute hypothèse, l’exécution forcée du titre ne peut être poursuivie que par un huissier différent de celui sous l’égide duquel a été poursuivie la procédure de recouvrement simplifié.

 

Le décret entre en vigueur le 1er juin 2016 (art 5 du décret)

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats

 


[1] Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016

[2] Cf article chronos du 17 février 2016 L’huissier délivre un titre exécutoire, pas un jugement…

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