SOURCE : Cour d’appel Aix-en-Provence – Chambre 11 A – 14 Janvier 2014 – JurisData : 2014-000169.
Madame ACQUAVIVA, âgée de 76 ans au jour de son assignation, est locataire d’un appartement sis à Marseille lequel est soumis aux dispositions avantageuses de la Loi du 1er septembre 1948.
Suivant assignation en date du 7 juillet 2011, la locataire a assigné son bailleur en résiliation de bail pour défaut d’entretien des lieux correspondant à un logement indigne.
La production du certificat d’huissier dressé en date du 9 décembre 2010 versé aux débats démontrait que le logement ne répondait plus aux critères de décence à la suite de travaux effectués dans l’immeuble à raison notamment de la présence de gravats dans le conduit de la cheminée, de nombreuses fissures verticales sur le mur de la pièce au-dessus du montant droit de la porte donnant sur la cuisine, d’une condensation importante dans la pièce, des volets en mauvais état et n’ouvrant pas ainsi que l’inaccessibilité aux toilettes situées sur un balcon en partie effondré.
La Cour, pour débouter partiellement le preneur de sa demande, ce qui est suffisamment rare pour être souligné, fait cependant une interprétation quelque peu paradoxale des faits.
En premier lieu, la Cour relève que l’inexécution ainsi caractérisée de l’obligation de réparation du bailleur justifie, par sa gravité, le prononcé de la résiliation du bail aux torts de ce dernier avec effet au 07 juillet 2011, date de l’assignation, sans fixation, à compter de cette date et jusqu’à la restitution des lieux, d’une indemnité d’occupation.
Pour autant, la Cour ne fait pas droit à la demande de la locataire aux fins d’indemnisation de son trouble de jouissance retenant que celle-ci n’a pas informé le bailleur des difficultés rencontrées dans le logement ou mis en demeure ce dernier de faire les travaux nécessaires.
Cette motivation est pour le moins paradoxale.
En effet, deux hypothèses lesquelles ne peuvent se confondre :
soit le bailleur est informé et/ou mis en demeure et n’intervient pas.
Dans cette hypothèse, il est logique que le bail soit résilié à ses torts à raison de cette inexécution caractérisée. Mais il est alors également logique que le preneur soit indemnisé à raison du trouble de jouissance subi du fait de l’inertie du bailleur malgré l’information donnée et/ou la mise en demeure de faire,
Soit le bailleur n’est pas informé par le preneur de l’indécence du logement donné à bail.
Dans cette seconde hypothèse, on ne saurait alors le condamner à indemniser le preneur en réparation de son trouble de jouissance dès lors que ce dernier ne lui a permis d’y mettre un terme en intervenant.
Mais il est alors également logique de ne pas prononcer la résiliation du bail à ses torts dans la mesure où il n’a commis aucune faute pour avoir été tenu dans l’ignorance des difficultés rencontrées par le preneur.
Peut être la Cour a simplement tenu compte du fait que Madame ACQUAVIVA, bien qu’âgée de 79 ans au jour l’arrêt, s’était déjà fait justice à elle-même en ne payant plus aucun loyer, sans en avoir reçu l’autorisation judiciaire, depuis le 7 juillet 2011 soit 2 ans et 5 mois..
Néanmoins, rien n’interdit au bailleur de poursuivre la locataire en paiement de sa dette locative en sorte que celle-ci sera, en définitive, privée de toute indemnisation au titre du préjudice de jouissance lequel est incontestablement caractérisé au regard des termes du constat d’huissier tel qu’il est repris dans cette décision.
En retour, l’occupante pourrait quant à elle se maintenir abusivement dans les lieux profitant du fait qu’elle n’ait pas d’indemnité d’occupation à payer jusqu’à leur restitution effective et qu’une expulsion, au vu de son âge, n’est pas acquise mais convenons que cet arrêt accroit plus qu’il n’apaise le litige déjà existant entre le preneur et le bailleur.
Delphine VISSOL
Vivaldi-Avocats