Sources : Décret n° 2016-1851 du 23 décembre 2016 et Ordonnance n° 2016-727 du 2 juin 2016.
Le projet de Loi dit « Macron » avait un temps envisagé la création d’une grande profession du droit, regroupant notamment les professions de Mandataire judiciaire, Huissier de Justice, Commissaire Priseur, ou encore Notaire.
Cette mesure a finalement été abandonnée, mais la Loi, dans sa version définitive, en a conservé quelques traces.
La plus visible et marquante d’entre elles est la possibilité offerte aux Huissiers de Justice et Commissaires Priseurs judiciaires d’exercer les fonctions de Liquidateur dans certaines procédures.
Le Décret du 23 décembre 2016 est venu fixer les modalités de cette désignation et cette faculté est désormais offerte aux Tribunaux de Commerce depuis le 1er janvier 2017.
Toutes les procédures ne sont pas éligibles à la désignation d’un Huissier de Justice ou d’un Commissaire Priseur. Seules les procédures à l’encontre de débiteurs n’employant aucun salarié et réalisant un chiffre d’affaires annuel hors taxes inférieur ou égal à 100 000 euros, ou encore les procédures de rétablissement professionnel, sont susceptibles de voir une telle désignation.
Le Code de Commerce est adapté, par le Décret du 23 décembre, et un ensemble d’articles ont été réécrits ou amendés pour prendre en compte la possibilité de désignation de ces nouveaux intervenants.
Sur le fond en revanche, pas de grande surprise.
Il est seulement précisé les seuils qui ne doivent pas être dépassés pour la désignation des Huissiers de Justice et Commissaires Priseurs.
De même, dans leur fonctionnement, ces nouveaux professionnels des procédures collectives devront adopter les pratiques des liquidateurs actuels, et seuls quelques textes sont adaptés ou complétés :
– Le texte sur les conflits d’intérêts, qui sera manifestement celui sur lequel se pencheront prioritairement les juridictions (L. 645-4 al. 3°) ;
– Les conditions et compositions des formations disciplinaires à l’encontre de ces professionnels dans le cadre de leur nouvelle mission (L. 814-1 al. 11°) ;
– Les obligations de formation continue, spécifiquement en matière de procédure collective (L. 814-9) ;
– Les inspections de comptabilité et de gestion de leurs études, sur le point spécifique des procédures collectives (L. 814-10-1) ;
– L’obligation de disposer d’un compte ouvert à la Caisse des Dépôts et Consignations pour le dépôt des fonds des liquidations (L. 814-10-1 IV) ;
– Les actions disciplinaires (L. 814-10-2).
L’ensemble de ces dispositions est applicable depuis le 1er janvier 2017, à l’exception de la composition des formations disciplinaires, qui devront intégrer des membres issus de cette profession, qui n’entreront en vigueur qu’à compter du 1er juillet 2017.
Si, techniquement, les dispositions sont donc applicables, se pose toujours une question fondamentale : celle de l’intérêt, pour les Tribunaux, de désigner ces nouveaux professionnels.
S’agit-il de décharger les Mandataires déjà en place ? Les études actuelles sont dimensionnées pour absorber le flux des procédures traitées par les Tribunaux, d’autant plus que les statistiques montrent que le nombre de procédures tend à diminuer avec la reprise de l’activité et la fin de la crise (en espérant que nous nous dirigeons bien vers cette fin de crise…).
Ouvrir le « marché » des procédures collectives ? Quel intérêt dans une profession où les professionnels suivent un tarif réglementé…
La question se pose donc toujours. Très clairement, les études d’Huissier de Justice ou de Commissaire Priseur qui se positionneront sur ce marché partent de très loin. Elles doivent recruter pour être en mesure d’absorber un flux nouveau, dans une matière qu’elles ne connaissent pas, historiquement.
Les risques de conflit d’intérêts sont bien plus importants que pour les Mandataires, qui n’ont, quant à eux, qu’un seul client : le Tribunal de Commerce. Tel n’est pas le cas des Huissiers de Justice, dont la majorité intervient pour des créanciers institutionnels (banques, administrations, grandes entreprises,…) qui seront les créanciers habituels dans toutes les liquidations.
Quels Huissiers de Justice ou Commissaires Priseurs se dirigeront alors vers ce nouveau métier ? Ne risque-t-on pas de voir intervenir des études en mal de clientèle, souhaitant se diversifier et faire entrer un peu de chiffre d’affaires… ? Dit autrement, n’est-ce pas tirer vers le bas la profession de Liquidateur en la confiant à des professionnels non formés, non habitués et non « staffés » pour absorber un flux tout de même conséquent ?
L’avenir nous le dira.
Etienne CHARBONNEL
Vivaldi-Avocats