Le titulaire des droits incorporels sur une œuvre n’est pas toujours le propriétaire de son support

Virginie PERDRIEUX
Virginie PERDRIEUX

 

 

SOURCE : Tribunal de Grande Instance de Paris, 3ème chambre, 3ème section, 13 mars 2015, Gamma-Rapho / Marie-Laure D.

 

Marie-Laure D., reporter photographe, a collaboré entre 1971 et 2009 avec l’agence Gamma, devenue Eyedea Presse, dans le cadre d’un mandat de gestion et d’exploitation de ses photographies.

 

La photographe, après avoir résilié le contrat de gestion susvisé par courrier du 28 juillet 2009, a formé une requête en revendication de l’intégralité des photographies argentiques qu’elle avait remises entre 1971 et 2009 à l’agence, dont une partie lui a été restituée suivant procès-verbal en date du 4 décembre 2009, les autres clichés non restitués ayant fait l’objet d’une indemnisation pour perte de chance de les exploiter, par jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 10 janvier 2013.

 

En parallèle, la société Gamma a fait constater par procès-verbaux d’huissier, que Marie-Laure D. affichait sur le mur de son compte Facebook et sur le bandeau de son site Internet plusieurs de ses clichés, issus de fichiers numérisés comportant les références de l’agence Gamma.

 

Par acte du 16 octobre 2012, la société Gamma a donc fait assigné Marie-Laure D. devant le Tribunal de Grande Instance de Paris pour faire constater, sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, la faute commise par cette dernière pour s’être procuré et avoir utilisé frauduleusement des fichiers numériques lui appartenant et s’être ainsi rendue coupable de parasitisme.

 

Le Tribunal de Grande Instance de Paris, faisant une application stricte de l’article L.111-3 du Code de la propriété intellectuelle, retient que :

 

« il convient de distinguer (…), d’une part, les œuvres photographiques sur lesquelles la photographe détient des droits incorporels et d’autre part, le fichier numérisé comportant l’image, qui est le support de l’œuvre et qui constitue un élément corporel.

 

En l’espèce, l’agence de photographie (…) a fait procéder à ses frais à la numérisation des clichés argentiques de Marie-Laure D. dans le but de promouvoir les images, ce qu’elle était en droit de faire, même sans l’autorisation de la photographe (…) ».

 

Les Juges en déduisent que l’utilisation par Marie-Laure D. des fichiers numérisés répertoriés et inventoriés par l’agence Gamma, sans l’autorisation de cette dernière, est fautive.

 

Pour autant, l’indemnisation de la société Gamma a été limitée à 1.000 euros, dans la mesure où les fichiers ne représentent aucune valeur marchande, l’agence n’ayant pas reçu de la photographe une autorisation d’exploiter ses clichés.

 

Les parties se retrouvent donc dans une situation de blocage mutuel quelque peu regrettable, puisque ni la photographe, ni l’agence, ne sont autorisées à exploiter économiquement les fichiers photographiques numérisés, à défaut d’accord.

 

Virginie PERDRIEUX

Vivaldi-Avocats

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