Des marques qui font mouche

Diane PICANDET
Diane PICANDET - Avocat

 

 

Source : Cass. com., 3 février 2015, n° 13-18025

 

L’action en annulation d’une marque qui porterait atteinte à des droits antérieurs se prescrit cinq ans alors que l’action en revendication d’une marque déposée en fraude des droits d’un tiers se prescrit par trois ans à compter de la publication de la demande d’enregistrement sauf si le déposant est de mauvaise foi.

 

Le dépôt d’une marque est frauduleux lorsqu’il a pour but de priver autrui d’un signe nécessaire à son activité, de lui nuire ou de s’approprier les fruits de son travail.

 

L’intention frauduleuse peut se déduire de l’existence de relations d’affaires antérieures (Com. 13 fév. 1986).

 

En l’espèce, un couple qui avait été autorisé pendant plus de dix ans à exploiter un magasin de souvenirs dans les locaux de la compagnie des bateaux mouches parisiens et qui avait déposé suite à la cessation de son activité la marque semi-figurative « bateaux mouches paris pont de l’alma » avait, ensuite de son non renouvellement, déposé à nouveau en 2003 une marque identique ainsi que la marque verbale « bateaux mouches » pour désigner les appareils de vision de diapositives, porte-clés, broche, montre, photographies, cartes postales, dépliants, parapluie, porte-monnaie, sac à main.

 

La compagnie des bateaux mouches avait assigné en 2005 le déposant en nullité pour atteinte à ses signes distinctifs antérieurs parmi lesquels sa dénomination sociale puis en 2007 pour dépôt frauduleux.

 

Les juges du fond avaient débouté la compagnie de ces deux demandes considérant que la première apparaissait infondée et que la seconde était prescrite.

 

Dans le présent arrêt, la Cour de Cassation confirme l’analyse de la Cour d’Appel qui a rejeté l’action en nullité considérant que les signes distinctifs de la compagnie ne pouvaient constituer des antériorités opposables dès lors qu’ils n’avaient acquis par l’usage ni distinctivité ni notoriété et qu’il n’existait aucune similitude entre les activités de la demanderesse et les produits couverts par les marques dont il était demandé l’annulation.

 

En revanche, elle ne partage pas l’analyse retenue par la juridiction du fond pour rejeter l’action en revendication.

 

La Cour retient ainsi que l’appréciation de la mauvaise foi d’un déposant ne s’apprécie pas uniquement à la date du dépôt mais également au regard de tous éléments pertinents lesquels peuvent lui être postérieurs. Dès lors la non-exploitation des marques qualifiées de frauduleuses est susceptible de révéler la mauvaise foi d’un déposant.

 

Elle considère également que si à la date du dépôt, la compagnie n’exploitait aucune activité de vente de souvenirs et qu’elle n’avait pu envisager de développer une telle activité qu’à compter de 2006, l’existence de relations d’affaires antérieures résultant de l’autorisation qui avait été donnée de la compagnie au déposant pour exercer son activité pendant dix ans au sein de ses locaux devait être prise en compte pour apprécier l’existence d’une éventuelle intention frauduleuse de ce dernier.

 

Enfin, faute d’avoir contesté le caractère distinctif des termes « bateaux mouches », le caractère potentiellement générique de ces termes invoqué par le déposant ne pouvait être pris en compte pour écarter l’existence d’une volonté frauduleuse.

 

Diane PICANDET

Vivaldi-Avocats

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