Le rôle du Procureur de la République dans la prolongation exceptionnelle de la période d’observation.

Etienne CHARBONNEL
Etienne CHARBONNEL - Avocat associé

 

Source : Cass. Com., 13 décembre 2017, pourvoi n° 16-50.051.

 

L’article L. 621-3 du Code de Commerce fixe la durée de la période d’observation à une durée de 6 mois, renouvelable une fois pour 6 mois.

 

Cependant, le texte prévoit la possibilité d’une dernière période, exceptionnelle, dans les conditions suivantes :

 

«   Elle peut en outre être exceptionnellement prolongée à la demande du Procureur de la République par décision motivée du Tribunal pour une durée maximale de 6 mois. »

 

En pratique, les juridictions considèrent donc généralement ne pouvoir être saisies d’une demande exceptionnelle qu’à la demande du Procureur et ne pouvoir en accorder hors de ce cadre.

 

Pour autant, la jurisprudence rapporte certains cas où le Tribunal soit s’est affranchi de la demande du Procureur, soit a accordé cette troisième période exceptionnelle en dépit de l’opposition du Procureur de la République.

 

Et la Cour de cassation, par un arrêt très commenté, a approuvé une Cour d’Appel d’avoir dit n’y avoir lieu à conversion du redressement en liquidation judiciaire, ainsi que le sollicitait le Procureur, qui faisait grief au jugement de première instance d’avoir autorisé une prolongation exceptionnelle, malgré son opposition.

 

La Cour de cassation, pour valider la position des Juges du fond, soulignait que la loi de sauvegarde et son décret d’application ne sanctionnent ni le dépassement du délai d’observation, ni le prononcé d’une prolongation exceptionnelle en l’absence de demande du Procureur de la République[1].

 

Ainsi, le Tribunal peut très clairement s’affranchir de la position du Procureur de la République sur le sujet, malgré la rédaction du texte, qui réserve pourtant à ce dernier l’exclusivité de la demande. Sans doute le fondement réside-t-il dans le fait que la procédure collective est déjà engagée et que la demande du Procureur n’est pas une saisine de la juridiction, auquel cas la Cour de cassation aurait sanctionné le jugement rendu en dépit d’une irrecevabilité de la demande originelle, en sur saisine d’office. Tel n’est manifestement pas le cas en l’espèce.

 

L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 13 décembre 2017 aborde la même question, mais sous un angle légèrement différent. En effet, l’arrêt est un « simple » arrêt d’irrecevabilité du pourvoi. La Cour rappelle que le pourvoi en cassation n’est pas ouvert au Ministère public lorsque les arrêts visés ont été rendus en application de l’article L. 661-6, I, 2° du Code de Commerce, sauf hypothèse d’un excès de pouvoir, c’est-à-dire les décisions statuant sur la durée d’observation ou sur la poursuite de celle-ci. Ainsi, implicitement mais nécessairement, le jugement (ou l’arrêt rendu à sa suite) qui a autorisé la poursuite exceptionnelle de la période d’observation contre l’avis ou sans l’avis du Procureur de la République n’est pas entaché d’un excès de pouvoir.

 

Dit autrement, la question de la prolongation exceptionnelle est donc laissée à la seule discrétion des Juges du fond, en dépit de la rédaction du texte qui réserve la primeur de la demande au Ministère Public.

 

La solution est loin d’être anodine et semble même « contra legem ». Sauf à considérer une nouvelle fois que la demande du Parquet n’est pas une saisine et qu’en définitive, l’appréciation revient au seul Tribunal quant à l’opportunité de la poursuite de la période d’observation.

 

Bien évidemment, l’intérêt d’un débiteur placé en procédure collective est, dans l’immense majorité des cas, de voir son dossier traité dans des délais rapides. A cet effet, une période d’observation de 12 à 18 mois est un délai tout à fait raisonnable.

 

Pour autant, il existe un certain nombre de cas pour lesquels une période d’observation plus longue serait nécessaire, parfois pour des raisons économiques (par exemple un retournement d’activité qui nécessite de produire ses effets), procédurales (par exemple, un gros contentieux pouvant radicalement changer le montant du passif à apurer), ou tout simplement technique (complexité de la restructuration de la société ou du groupe de sociétés qui nécessiterait un temps plus long à être finalisée).

 

Très souvent, le Tribunal refuse de dépasser les délais fixés par le texte. La Cour de cassation, dans cette décision, rappelle une nouvelle fois que ces délais, s’ils existent, ne constituent pas une limite absolue à la durée de la procédure collective, faute de sanction venant frapper le débiteur en cas de dépassement du délai.

 

Sans doute certains dossiers mériteraient-ils une application plus souple de l’article L. 621-3 et des délais qu’il comporte.

 

Etienne CHARBONNEL

Associé

Vivaldi-Avocats



[1] Cass. Com., 10 juin 2008, pourvoi n° 07-17.043.

 

 

 

 

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