Source : Cass. Com., 28 février 2018, pourvoi n° 16-19.422 F-P+B+I.
Certains arrêts, à leur lecture, semblent frappés du sceau de l’évidence. L’arrêt ici commenté est de ceux-ci : comment la Cour de cassation pouvait-elle statuer autrement ?
La particularité du cas d’espèce est que la société débitrice a d’abord fait l’objet d’une sauvegarde. Par définition, l’ouverture d’une sauvegarde suppose l’absence d’état de cessation des paiements. Puis, au cours de la période d’observation de la sauvegarde, la débitrice sollicite d’elle-même la conversion en redressement judiciaire. A la lecture des faits de l’arrêt, il semble que cette conversion n’ait pas été contestée et qu’en outre, elle ne faisait aucunement référence à l’existence d’un état de cessation des paiements de la société.
Enfin, la débitrice sollicite la conversion de son redressement judiciaire en liquidation judiciaire, les Juges s’abstenant une nouvelle fois de caractériser un état de cessation des paiements.
Un établissement bancaire, à qui la débitrice avait consenti un cautionnement hypothécaire, fait alors tierce-opposition au jugement de conversion. Il est principalement reproché aux Juges du fond d’avoir précisément omis de caractériser l’existence d’un état de cession des paiements, qui, compte tenu du déroulement des différentes procédures, n’avait au final jamais été évoqué.
Tant le Tribunal que la Cour d’Appel ont rejeté l’argumentation de la banque, qui se pourvoit alors en cassation. La Haute juridiction confirme les décisions des Juges du fond, en se référant aux dispositions de l’article L. 631-15, II, du Code de Commerce, qui dispose qu’« à tout moment de la période d’observation, le Tribunal, à la demande du débiteur, de l’Administrateur, du Mandataire judiciaire, d’un contrôleur, du Ministère Public, ou d’office peut ordonner la cessation partielle de l’activité ou prononce la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible ».
Et la Cour de cassation de relever que l’article en question ne pose comme unique condition de la conversion du redressement en liquidation la caractérisation d’un redressement manifestement impossible, l’existence d’un état de cessation des paiements n’étant pas exigée.
Il semblerait, à l’inverse, que l’établissement bancaire se soit appuyé sur l’ancienne rédaction de cet article L. 631-15, qui prévoyait la possibilité pour le Tribunal de prononcer la liquidation judiciaire « si les conditions prévues à l’article L. 640-1 sont réunies ».
Or, l’article L. 640-1 dispose bien : « Il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l’article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible ».
L’ancienne version de l’article L. 640-1 n’est cependant plus en vigueur depuis le 15 février 2009, c’est-à-dire l’entrée en vigueur de l’Ordonnance du 18 décembre 2008.
Très clairement, les conditions d’application du texte ayant changées précisément sur ce point, on imagine mal comment la Cour de cassation pouvait statuer autrement que comme elle l’a fait. Elle prend cependant le soin de bien préciser que la caractérisation d’un état de cessation des paiements n’est pas une condition de la conversion d’un RJ en LJ, « quelles que soient les conditions dans lesquelles est intervenue l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire », c’est-à-dire même si ce redressement procède lui-même de la conversion d’une sauvegarde en RJ, c’est-à-dire sans jamais qu’ait été caractérisée l’existence d’une telle cessation des paiements dans aucune des procédures collectives.
La précision est donc intéressante et l’arrêt doit être approuvé.
Etienne CHARBONNEL
Associé
Vivaldi-Avocats