SOURCE : Conseil d’Etat, 26 avril 2018, n°417809, n°418030, n°418031, n°418032 et n°418033
Dans un article publié le 23 janvier 2018[1], nous vous écrivions, conformément à la doctrine administrative en vigueur, que les gains tirés de la vente de Bitcoins étaient soumis à l’impôt sur le revenu soit dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (lorsqu’ils correspondent à une activité occasionnelle), soit dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (lorsqu’ils correspondent à une activité habituelle).
Plusieurs requérants ont demandé au Conseil d’Etat d’annuler ces commentaires pour excès de pouvoir. Le Conseil d’Etat fait partiellement droit à leur recours.
Rappel des faits et de la procédure
Par des commentaires administratifs, l’administration fiscale précise les modalités d’imposition des gains tirés par des particuliers lors de la cession d’unités de Bitcoin. Ces commentaires précisent que les gains sont imposables, quelle que soit la nature des biens ou valeurs contre lesquelles ces unités de Bitcoin sont échangées.
L’activité d’achat-revente d’unités de Bitcoin exercée à titre habituel et pour son propre compte constitue une activité commerciale par nature dont les revenus sont donc à déclarer dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ; alors que les produits tirés de cette activité à titre occasionnel sont des revenus relevant de l’article 92 du Code Général des Impôts imposables dans la catégorie des bénéficies non commerciaux.
Les requérants soutenaient en l’espèce que les gains tirés de la cession d’unités de Bitcoin relèvent du régime d’imposition des plus-values de biens meubles défini par l’article 150 UA du Code Général des Impôts.
La décision rendue par le Conseil d’Etat
Le Conseil d’Etat rappel tout d’abord qu’aux termes de l’article 516 du Code Civil[2], les unités de Bitcoin ont la nature de biens meubles incorporels et qu’ainsi, les profits tirés de leur cession par des particuliers relèvent en principe du régime des plus-values de cession de biens meubles de l’article 150 UA du CGI.
Ce régime d’imposition est bien plus favorable que le régime d’imposition dans la catégorie des BNC ou des BIC, c’est-à-dire au barème progressif de l’impôt sur le revenu. En effet, selon ce régime, les gains étaient susceptibles d’être fiscalisés au taux marginal de 45%, auquel s’ajoutaient les prélèvements sociaux ainsi qu’éventuellement, la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus.
Avec sa décision du 26 avril, le Conseil d’Etat juge que les profits tirés de la cession d’unités de Bitcoin sont imposables comme les plus-values sur bien meubles, c’est-à-dire au taux de 19% auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux. En outre, sont exonérés les biens dont le prix de cession n’excède pas 5 000 euros.
Pour l’application du régime des biens meubles, le Conseil d’Etat prévoit toutefois une limite.
Il précise ainsi que les gains issus d’une opération de cession sont « susceptibles d’être imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux dans la mesure où ils ne constituent pas un gain en capital résultant d’une opération de placement mais sont la contrepartie de la participation du contribuable à la création ou au fonctionnement de ce système d’unité de compte virtuelle ».
Ainsi, les contribuables participant au développement et au fonctionnement des Bitcoins (les mineurs) et recevant au titre de leur activité des Bitcoins, demeureront imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux pour les profits réalisés sur la cession de ces Bitcoins.
De même, les gains provenant de la cession à titre habituel d’unités de Bitcoin, dans des conditions caractérisant l’exercice d’une profession commerciale, seront toujours imposables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.
Le Conseil d’Etat fait donc partiellement droit aux demandes des requérants et annule les commentaires administratifs en ce qu’ils indiquent de manière générale que les produits tirés de la cession à titre occasionnel d’unités de Bitcoin sont des revenus relevant de la catégorie des bénéfices non commerciaux.
Compte tenu de la décision rendue par le Conseil d’Etat, il est bien évidemment possible pour les personnes ayant été imposées selon les règles aujourd’hui annulées par le Conseil d’Etat de procéder à une réclamation.
Clara DUBRULLE
Vivaldi Avocats
[1] http://www.vivaldi-chronos.com/index.php/fiscal/fiscalite-generale/6206-le-regime-fiscal-applicable-aux-bitcoins
[2] Article 516 du Code civil : « Tous les biens sont meubles ou immeubles. »