La nullité (facultative) d’un acte commis en période suspecte suppose une connaissance personnelle de l’état de cessation des paiements

Etienne CHARBONNEL
Etienne CHARBONNEL - Avocat associé

 

 

Source : Cass. Com. 2 décembre 2014, Pourvoi n°13-25.705, n°1078, P+B

 

Les faits de l’espèce retiennent ici tout spécialement l’attention : une société avait fait pratiquer une saisie-attribution à l’encontre de son débiteur, par l’intermédiaire d’un huissier de justice.

 

Il est démontré, au cours de la procédure, que cet huissier était en fait intervenu au nom et pour le compte d’une dizaine de créanciers différents, et avait pratiqué diverses mesures conservatoires et d’exécution. La Cour retient, compte tenu de sa connaissance du dossier, que l’huissier ne pouvait ignorer que le débiteur était manifestement en état de cessation des paiements.

 

Le liquidateur judiciaire du débiteur cherche alors à faire annuler les actes ainsi pratiqués au cours de la période suspecte, en connaissance de l’état de cessation des paiements (nullité facultative de la période suspecte).

 

La Cour rejette le pourvoi, précisant que la connaissance de l’état de cessation des paiements doit être démontrée s’agissant du créancier personnellement, et non de son huissier instrumentaire (ou plus largement son mandataire).

 

La Cour souligne à ce titre que l’huissier était tenu d’une obligation de confidentialité, et qu’il « ne peut divulguer à son client les informations recueillies dans le cadre de l’exécution de mandats confiés par des tiers ». La démonstration de la violation de cette obligation par l’huissier n’étant pas démontrée, la connaissance personnelle, par le créancier, n’est alors pas automatique, et d’ailleurs pas non plus démontrée en l’espèce.

 

C’est bien une démonstration in concreto qu’aurait dû apporter le mandataire liquidateur.

 

L’arrêt a d’ailleurs un intérêt double : il reprécise la question de la démonstration de la connaissance de l’état de cessation des paiements, tout en insistant sur, et en quelque sorte revalorisant, le secret professionnel de l’huissier de justice.

 

Les professions du droit, qui se sentent attaquées par les projets de loi actuellement à l’étude, retiendront cette marque de respect de la Haute Cour.

 

Etienne CHARBONNEL

Vivaldi-Avocats

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