L’achat public et la réparation des pratiques anticoncurrentielles

Harald MIQUET
Harald MIQUET

 

Sources :

CE 7ème / 2ème ssr, 24 février 2016, n° 395194

( TA Paris, 3e ch., 31 mai 2016, n° 1104965/3-3).

 

Face aux pratiques anticoncurrentielles déployées par les opérateurs économiques dans le cadre des marchés publics, les acheteurs publics peuvent engager des recours indemnitaires visant à compenser le préjudice économiques dont ils ont été victimes.

 

1. Modalité de mise en œuvre d’une action indemnitaire à l’encontre du cocontractant auteur de pratiques anticoncurrentielles :

 

Actions en justice contre le cocontractant engagées postérieurement à une décision définitive prononcée par l’Autorité de concurrence, non susceptible de recours.

 

Le délai d’action est celui de la prescription de droit commun, soit 30 ans à compter de la signature du contrat.

 

A noter que l’acheteur public est libre de recourir à un mode de règlement alternatif des litiges en transigeant.

 

2. Evaluation du préjudice

 

A titre liminaire, il convient d’écarter l’évidence qui voudrait que la condamnation par l’Autorité de la concurrence d’un opérateur économique, auteur d’une pratique anticoncurrentielle, engage de facto sa responsabilité dans le cadre d’un recours indemnitaire devant le juge administratif.

 

La condamnation par l’Autorité de la concurrence est une condition nécessaire mais non suffisante.

 

Le recours indemnitaire de l’acheteur public se fonde, certes, sur la faute commise par l’opérateur économique mais est caractérisé par le préjudice financier de la collectivité.

 

L’action en réparation pour obtenir des dommages et intérêts doit donc reposer sur des éléments chiffrés et justificatifs permettant au juge de prendre la mesure du préjudice correspondant à la différence entre le montant de l’offre du marché et celui que l’acheteur public aurait payé en l’absence de pratiques anticoncurrentielles.

 

La charge de la preuve incombe donc à l’acheteur public qui doit prouver que le marché public a été signé à des conditions tarifaires supérieures à celles qui auraient résulté du jeu de la libre concurrence. (Pour une illustration récente v. TA Paris, 3e ch., 31 mai 2016, n° 1104965/3-3).

 

3. Compétence des collectivités à recouvrer une dette née d’une faute anticoncurrentielle dans l’exécution d’un marché public.

 

Une collectivité publique est en principe irrecevable quant aux demandes adressées au juge administratif visant à prononcer une mesure qu’elle a le pouvoir de prendre.

 

Les collectivités territoriales, sont en effet en mesure d’émettre des titres exécutoires à l’encontre de leurs débiteurs, et ne peuvent saisir directement le juge administratif d’une demande tendant au recouvrement de leur créance.

 

Ce principe trouve cependant une limite lorsque la créance de la collectivité trouve son origine dans un contrat.

 

Dans cette hypothèse, la faculté d’émettre un titre exécutoire dont dispose une personne publique ne fait pas obstacle à ce que celle-ci saisisse le juge des référés d’une demande tendant à son recouvrement, notamment dans le cadre d’un référé-provision engagé sur le fondement de l’article R. 541-1 du code de justice administrative, comme l’a encore rappelé récemment le Conseil d’Etat Conseil d’État dans une décision de sous-section :

 

« Considérant que pour juger irrecevable la demande de provision présentée par le département de l’Eure, le juge des référés de la cour administrative d’appel de Douai a estimé que l’action introduite par celui-ci n’était pas fondée sur la responsabilité contractuelle des sociétés mais sur leur responsabilité quasi-délictuelle tenant aux manoeuvres dolosives relevées à leur encontre et sanctionnées par l’Autorité de la concurrence ; que, toutefois, l’action tendant à l’engagement de la responsabilité quasi-délictuelle de sociétés en raison d’agissements dolosifs susceptibles d’avoir conduit une personne publique à contracter avec elles à des conditions de prix désavantageuses, qui tend à la réparation d’un préjudice né des stipulations du contrat lui-même et résultant de la différence éventuelle entre les termes du marché effectivement conclu et ceux auxquels il aurait dû l’être dans des conditions normales, doit être regardée, pour l’application des principes énoncés aux points 2 et 3 de la présente décision, comme trouvant son origine dans le contrat ; que, par suite, le juge des référés de la cour administrative d’appel de Douai a commis une erreur de droit en jugeant irrecevable la demande de provision du département de l’Eure au motif que la créance en cause était fondée sur la responsabilité quasi-délictuelle des sociétés ; » ( CE 7ème / 2ème ssr, 24 février 2016, ° 395194)

 

Harald MIQUET

Vivaldi-Avocats

 

 

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