SOURCE : 3ème civ, 7 septembre 2017, n° 16-15.012, FS-P+B+R+I
Il est de jurisprudence constante que le bailleur peut dénier le bénéfice du statut des baux commerciaux à un preneur non régulièrement immatriculé, et ce, quels que soient les motifs du défaut d’immatriculation[1] :
– une erreur du greffe[2] ;
– une impossibilité d’exploiter le fonds dont l’origine première est imputable au bailleur[3] ;
– et même si une décision de justice postérieure ordonne la réinscription rétroactive au registre[4].
Cette dénégation est alors définitive, insusceptible de régularisation, même si le preneur parvient à obtenir une immatriculation rétroactive[5], qui se révèle totalement inefficace.
Concernant plus précisément les délais dont bénéfice le bailleur pour agir, la jurisprudence considère que la dénégation peut être invoquée à tout moment de la procédure de renouvellement[6], et même pour la première fois en cause d’appel[7].
Un arrêt du 31 octobre 1989, avait même précisé que le bailleur pouvait revenir sur son offre en déniant le droit au statut jusqu’à l’expiration du délai de l’article L145-57 al 2 du Code de commerce[8].
Cependant, la question de la prescription biennale de la dénégation n’avait jamais été clairement, jusqu’à présent, évoquée devant la Haute juridiction.
C’est désormais chose faite avec le présent litige dans lequel un bailleur avait délivré congé avec offre de renouvellement à son preneur, puis avait exercé son droit de repentir en proposant une indemnité d’éviction, avant de dénier au preneur le droit au statut, à défaut d’immatriculation tant à la date du congé initial qu’à sa date d’effet.
La Cour d’appel de Paris, par un arrêt du 30 mars 2016, avait déclaré prescrite l’action en dénégation du droit au statut, en ce qu’elle avait été introduite plus de deux ans à compter de la date d’effet du congé, en violation des dispositions de l’article L145-60 du Code de commerce.
Par un arrêt bénéficiant de la plus large publication, destiné à être mentionné au rapport annuel de la Cour de cassation, la Troisième chambre civile considère que la dénégation du droit au statut peut être invoquée « tant qu’une décision définitive n’a pas été rendue sur la fixation de l’indemnité d’éviction ».
La mise à l’écart des dispositions de l’article L145-60 du Code de commerce peut aisément se comprendre, la prescription biennale concernant « Toutes les actions exercées en vertu du présent chapitre » ce que n’est pas la dénégation du droit au statut.
Cette décision de la Cour de cassation, qui concerne la dénégation du droit au statut dans les cadres d’une procédure de fixation de l’indemnité d’éviction, nous semble naturellement transposable à la procédure de fixation de loyer de renouvellement : elle permet au bailleur de dénier le droit au statut du preneur tant qu’une décision définitive ne fixe pas le montant du loyer du bail renouvelé. Mais attention : contrairement au droit d’option ou au droit de repentir qui obéissent à un régime similaire et pour lesquels le bailleur dispose de quinze jours / un mois pour exercer son choix, C’est au jour du prononcé de la décision que le bailleur devra avoir fait valoir ses droits.
Après, il sera trop tard…
Sylvain VERBRUGGHE
Vivaldi-Avocats
[1] Cass. com., 18 mai 2004, n° 02-20.346, inédit
[2] 3ème civ, 12 juillet 2000, n° 99-10.455 ; 3ème civ, 03 mai 2011, n° 10-15.428, F-D
[3] 3ème civ, 18 octobre 2005, n° 04-15.348, inédit
[4] 3ème civ, 12 janvier 1999, n° 96-17.210, publié au Bulletin
[5] 3ème civ, 19 février 2014, 12-20.193, Inédit et notre commentaire vivaldi-chronos
[6] 3ème civ, 18 janvier 2011, n°09-71910
[7] 3ème 12 octobre 1960, SA AUTO TRANSPORTS DU CHABLAIS c/ DETRAZ
[8] 3ème civ, 31 octobre 1989, n°88-12212