Action en diminution du prix pour erreur de mesurage : nature du délai d’action et du préjudice subi

Delphine VISSOL
Delphine VISSOL

 

Source : Cass. 3e civ., 2 juin 2016, n° 15-16.967, F. : JurisData n° 2016-010657 

 

Deux époux ont vendu un appartement, situé dans un immeuble soumis au régime de la copropriété, d’une superficie de 131,07 m2, selon une attestation de diagnostic. Ayant fait mesurer le bien par un géomètre-expert qui a retenu une superficie de 105,10 m2, l’acheteuse a, en référé, assigné les acheteurs qui ont appelé en intervention forcée le diagnostiqueur et l’agent immobilier par l’entremise duquel l’acquéreur avait été trouvé. Le juge des référés a désigné un expert avec pour mission de mesurer le bien. L’expert a conclu à une superficie de 104,7 m2.

 

L’acheteuse a assigné les vendeurs en diminution du prix ainsi que le diagnostiqueur et l’agent immobilier en dommages-intérêts et ce, au visa des dispositions de l’article 46 de la Loi du 10 juillet 1965 lequel dispose, en ses premier et dernier alinéas :

 

« Toute promesse unilatérale de vente ou d’achat, tout contrat réalisant ou constatant la vente d’un lot ou d’une fraction de lot mentionne la superficie de la partie privative de ce lot ou de cette fraction de lot. La nullité de l’acte peut être invoquée sur le fondement de l’absence de toute mention de [la] superficie.

 

L’action en diminution du prix doit être intentée par l’acquéreur dans un délai d’un an à compter de l’acte authentique constatant la réalisation de la vente, à peine de déchéance ».

 

L’arrêt d’appel (CA Paris, 26 févr. 2015) déclare forclose l’action en diminution du prix (assignation délivrée 4 jours trop tard…), rejette les demandes de l’acheteuse dirigées contre l’agent immobilier et celle formée contre le diagnostiqueur au titre des frais bancaires supplémentaires. L’acheteuse se pourvoit en cassation.

 

 

 

D’une part, la Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir déduit que l’acheteuse était forclose en son action en diminution du prix dès lors qu’effectivement, le délai d’un an prévu par le dernier alinéa de l’article 46 de la loi du 10 juillet 1965 est un délai de forclusion et que la suspension de la prescription prévue par l’article 2239 du Code civil n’est pas applicable au délai de forclusion.

 

Il est rappelé que ce principe, suivant lequel la suspension de la prescription prévue à l’article 2239 du Code civil n’est pas applicable aux délais de forclusion, avait déjà été clairement affirmé par la Troisième Chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt de principe en date du 3 juin 2015[1], la Cour considérant :

 

« Mais attendu que la suspension de la prescription prévue par l’article 2239 du Code civil n’est pas applicable au délai de forclusion, qu’ayant relevé que l’assignation en référé du 6 décembre 2008 avait interrompu le délai de forclusion et qu’un expert avait été désigné par une ordonnance du 7 avril 2009 (…), la Cour d’appel en a déduit à bon droit que Mme W était forclose quand elle a assigné au fond la SCI le 10 décembre 2010 ».

 

D’autre part, la Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir relevé que l’agent immobilier n’avait pas effectué le mesurage, qu’il ne disposait d’aucune compétence particulière en cette matière pour apprécier l’exactitude des informations fournies et qu’il n’avait pas à vérifier le mesurage effectué par un professionnel. Aucune faute n’était démontrée à l’encontre de l’agent immobilier, de nature à engager sa responsabilité dans l’exécution de sa mission.

 

En revanche, La cour de cassation casse l’arrêt d’appel considérant que pour rejeter la demande de l’acheteuse formée contre le diagnostiqueur au titre des frais bancaires supplémentaires, l’arrêt d’appel a retenu que le principe d’un préjudice lié à ces frais n’est pas contestable, mais que la demande paraît prématurée car le décompte de son évaluation ne pourra être établi de manière définitive qu’après que l’acheteuse aura pu procéder au remboursement anticipé partiel de son prêt. « En statuant ainsi, alors qu’elle avait relevé que le préjudice, bien que futur, était certain, la cour d’appel a violé l’article 1382 du Code civil ».

 

Delphine VISSOL

Vivaldi-Avocats


[1] Cass. 3ème civ., 3 juin 2015, n°14-15796, Jurisdata n°2015-013040. 

 

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