La continuation du contrat en cours est sans effet sur l’obligation pour le créancier de revendiquer la propriété de son bien

Etienne CHARBONNEL
Etienne CHARBONNEL - Avocat associé

 

Source : Cass. Com 16 septembre 2014, Pourvoi n°13-20.173 FS-D

 

Il est des arrêts pour lequel le lecteur s’interroge sur la portée, au regard de l’absence de publication au Bulletin mensuel de la Cour de Cassation.

 

L’arrêt ici commenté est de ceux-là.

 

En effet, il semble revêtir une importance telle que l’on ne peut que s’étonner de la faible diffusion que lui réserve la Haute Cour.

 

Il pose la solution selon laquelle tout créancier propriétaire d’un bien en possession du débiteur placé en procédure collective dispose d’un délai de 3 mois pour exercer l’action en revendication de l’article L624-9 du Code de Commerce.

 

Et il s’agit bien là de TOUT créancier, c’est-à-dire y compris les créanciers pour lesquelles le débiteur aura opté, spontanément ou en réponse à l’interpellation du créancier, pour la poursuite du contrat en cours.

 

La solution a varié dans le temps, au fur et à mesure de la rédaction du texte applicable à la revendication.

 

Dans sa rédaction actuelle, l’article L624-9 dispose :

 

« La revendication des meubles ne peut être exercée que dans le délai de trois mois suivant la publication du jugement ouvrant la procédure. »

 

L’ordonnance de 2008, entrée en vigueur au 15 février 2009 a en effet supprimé le second alinéa de l’article qui précisait :

 

« Pour les biens faisant l’objet d’un contrat en cours au jour de l’ouverture de la procédure, le délai court à partir de la résiliation ou du terme du contrat. »

 

Dans la rédaction antérieure, le texte prévoyait donc le cas particulier du créancier lié avec son débiteur par un contrat en cours, et auquel un délai spécifique pour engager l’action en revendication était accordée.

 

Avec la disparition de cette précision, le délai devient le même, quelque soit le créancier.

 

Mieux encore, le législateur a ajouté, dans cette même ordonnance de 2008, un nouvel article L624-10-1 ainsi rédigé :

 

« Lorsque le droit à restitution a été reconnu dans les conditions prévues aux articles L. 624-9 ou L. 624-10 et que le bien fait l’objet d’un contrat en cours au jour de l’ouverture de la procédure, la restitution effective intervient au jour de la résiliation ou du terme du contrat. »

 

La lecture de ce texte ne fait que confirmer l’analyse :

 

       La revendication (de l’article L624-9) est la même quelque soit le créancier, et, selon une jurisprudence constante, emporte droit à restitution ;

 

       La restitution est en revanche distincte selon que le créancier propriétaire du bien est encore lié par un contrat en cours portant sur ledit bien, ou que le créancier peut solliciter la restitution dans que la propriété lui est reconnue : en cas de contrat en cours, la restitution intervient au jour de la résiliation ou du terme du contrat.

 

La solution était prévisible et oblige donc tout créancier propriétaire à engager l’action en revendication… ce qui n’était pas nécessairement la pratique en cas de continuation du contrat.

 

Il y a là un risque majeur pour les créanciers, qui penseront être protégés par une option valablement exercée par le débiteur de poursuite du contrat en cours, et laisseront courir le délai.

 

La conclusion opérationnelle est en revanche simple : il faut revendiquer la propriété de son bien dans les 3 mois de la publication au BODACC… quoi qu’il arrive !

 

Etienne CHARBONNEL

Vivaldi-Avocats

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