QPC : Conformité de la cession forcée des droits sociaux du dirigeant

Etienne CHARBONNEL
Etienne CHARBONNEL - Avocat associé

 

Source : Cons. Const. 7 octobre 2015, Décision n°2015-486 QPC

 

L’article L631-19-1 du Code de Commerce prévoit :

 

« Lorsque le redressement de l’entreprise le requiert, le tribunal, sur la demande du ministère public, peut subordonner l’adoption du plan au remplacement d’un ou plusieurs dirigeants de l’entreprise.

 

A cette fin, et dans les mêmes conditions, le tribunal peut prononcer l’incessibilité des parts sociales, titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital, détenus par un ou plusieurs dirigeants de droit ou de fait et décider que le droit de vote y attaché sera exercé, pour une durée qu’il fixe, par un mandataire de justice désigné à cet effet. De même, il peut ordonner la cession de ces parts sociales, titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital détenu par ces mêmes personnes, le prix de cession étant fixé à dire d’expert.

 

Le tribunal statue après avoir entendu ou dûment appelé les dirigeants et les représentants du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel.

 

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables lorsque le débiteur exerce une activité professionnelle libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire. »

 

Un plaideur avait donc introduit, à l’encontre de ce texte, une Question Prioritaire de Constitutionalité (QPC).

 

Il questionnait en effet la conformité des dispositions à la Constitution pour plusieurs motifs :

 

       Tout d’abord, la faculté de procéder à la cession forcée des titres des dirigeants constituaient pour lui une violation du droit de propriété ;

 

       Ensuite, il soutenait que le texte portait atteinte au principe d’égalité devant la loi, en prévoyant un cas d’exclusion à cette faculté : celui des débiteurs exerçant une activité professionnelle libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire.

 

Les Sages rejettent la QPC, et déclarent le texte conforme à la Constitution.

 

S’agissant tout d’abord de la supposée violation du droit de propriété, le Conseil rappelle, très classiquement, que le législateur a prévu cette faculté aux fins de « permettre la poursuite de l’activité de l’entreprise », et qu’il a ainsi poursuivi un objectif d’intérêt général.

 

Toujours très classiquement, le Conseil Constitutionnel s’est attaché à détailler les garanties procédurales offertes au dirigeant ainsi évincé, dans la mesure où cette faculté n’est ouverte que sur requête exclusive du ministère public d’une part, et que la mesure ne peut être prononcée sans que le dirigeant ait été entendu en ses explications, c’est-à-dire dans le soucis du respect du contradictoire et des « droits de la défense ». Très clairement, se pose systématiquement la question de l’effectivité de ces droits. Pour autant, le Conseil Constitutionnel élude systématiquement cette question, se contentant de la (parfois très) théorique) garantie des droits.

 

Enfin, et toujours très classiquement, les Sages rappellent la proportionnalité de l’atteinte au droit de propriété, en soulignant à cet égard le fait que le prix des parts cédées « de force » doit faire l’objet d’une estimation à dire d’expert. Là encore se pose la question de l’effectivité de cette disposition, posée comme garantie d’une juste rémunération du dirigeant évincé : en effet, que valent des titres d’une société en procédure collective, dont la survie même est engagée au point de devoir évincer un dirigeant… Comment imaginer que le prix, fixé à dire d’expert, soit autre chose que symbolique.

 

La faculté de cession forcée des titres d’un dirigeant est donc validée par le Conseil.

 

S’agissant ensuite de l’argument selon lequel le dernier alinéa du texte querellé méconnaîtrait le principe d’égalité devant la loi, dans la mesure où une catégorie spécifique de débiteurs ne pourrait faire l’objet d’une telle cession forcée, le Conseil développe à nouveau les arguments les plus habituels en pareille matière.

 

Il retient en effet la situation différente du débiteur libéral soumis à un statut législatif ou réglementaire. Et à statut particulier, règles particulières, dans la mesure où la distinction du texte « est fondée sur un critère objectif et rationnel en rapport avec l’objet de la loi ».

 

De sorte que le moyen est également écarté par le Conseil Constitutionnel et les textes, en toutes ses dispositions querellées, est déclaré conforme à la Constitution.

 

Etienne CHARBONNEL

Vivaldi-Avocats

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