Annulation de brevet pour insuffisance de description

Virginie PERDRIEUX
Virginie PERDRIEUX

 

Source :   Cour de cassation, Chambre Commerciale, 6 décembre 2017, pourvoi n° 15-19.726, affaire société MERCK SHARP et DOHME CORP c/ société TEVA PHAMACEUTICAL INDUSTRIES LTD et société TEVA SANTE

 

L’article L. 612-5 du Code de la propriété intellectuelle précise que l’invention doit être exposée dans la demande de brevet de façon suffisamment claire et complète pour qu’un homme de métier puisse s’exécuter. La description de l’invention comporte notamment un état de la technique préexistante, un exposé du problème technique et de la solution apportée, ainsi qu’un mode de réalisation.

 

La description doit, non seulement permettre à l’homme du métier de comprendre l’invention, mais encore le mettre en mesure de l’exécuter. A défaut, la demande risque le rejet par application de l’article L. 612-12 6°, ou encore la nullité en vertu de l’article L. 613-25 b) du même code.

 

Dans le cadre de la présente affaire, la Cour de cassation était amenée à s’interroger sur le critère de description suffisante d’une demande de brevet portant sur une application thérapeutique ultérieure d’une substance ou d’une composition reflétant un effet thérapeutique revendiqué.

 

L’arrêt rendu le 6 décembre 2017 par la Haute juridiction, publié au Bulletin Officiel, a la vocation d’un arrêt de principe, au regard du caractère générique de son énoncé :

 

« Lorsqu’une revendication porte sur une application thérapeutique ultérieure d’une substance ou d’une composition, l’obtention de cet effet thérapeutique est une caractéristique technique fonctionnelle de la revendication, de sorte que si, pour satisfaire à l’exigence de suffisance de description, il n’est pas nécessaire de démontrer cliniquement cet effet thérapeutique, la demande de brevet doit toutefois refléter directement et sans ambiguïté l’application thérapeutique revendiquée, de manière que l’homme de métier comprenne, sur la base de modèles communément acceptés, que les résultats reflètent cette application thérapeutique ».

 

Dans le prolongement d’une jurisprudence désormais ancienne et constante, il faut comprendre la notion d’« homme de métier » utilisée par la Cour de cassation comme « un professionnel possédant des connaissances certaines, mais n’étant pas censé maîtriser intégralement l’état de la technique ». En effet, la Chambre Commerciale avait déjà reconnu que, dès lors que l’homme de métier est à même d’adapter les données pour parvenir aux résultats exposés, la description pouvait être considérée comme suffisante[1].

 

En l’espèce, les Juges observent qu’en ce qui concerne la revendication 1, qui protège l’utilisation du finastéride pour préparer un médicament afin de traiter l’alopécie androgène chez un homme ou une femme, administré par voie orale selon un certain dosage, la description n’indique pas quel est l’avantage ou l’effet technique résultant de ce type d’administration orale, ne contient aucun élément démontrant l’efficacité potentielle du moindre dosage du finastéride et ne comporte aucune information sur l’effet nouveau de la posologie revendiquée et les propriétés particulières de cette nouvelle application thérapeutique. En effet, la description du brevet ne mention que la découverte « surprenante et inattendue » de cette nouvelle application thérapeutique, sans décrire les propriétés pharmacologiques particulières de celle-ci par rapport à l’état de la technique.

 

Ainsi, la Cour de cassation retient que la Cour d’Appel a pu déduire à bon droit que la demande de brevet ne reflétait pas directement et sans ambiguïté les applications thérapeutiques revendiquées et que, dans l’ignorance d’un quelconque enseignement technique spécifique, l’homme du métier n’était pas en mesure de reproduire l’invention et se retrouvait contraint de mettre en œuvre un programme de recherche par lui-même, de sorte que la revendication 1 était insuffisamment décrite et le brevet soumis à annulation.

 

Virginie PERDRIEUX

Vivaldi-Avocats


[1] Cass. Com. 22 mars 2005, propriété industrielle 2005, n° 71, note RAYNARD.

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