Imposer à sa filiale ses choix et orientations économiques en fonction des intérêts du groupe ne caractérise pas une situation de co-emploi de la société mère à l’égard des salariés.

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

Source : Cass Soc., 6 juillet 2016 (n°14-27.266 FS-P+B)

 

La filiale française d’une société allemande produisant des pneumatiques pour véhicules de tourisme et employant plus de 1000 salariés a fait l’objet d’une décision de fermeture du site de production, de sorte qu’une procédure de licenciement pour motif économique avec plan de sauvegarde pour l’emploi visant l’ensemble du personnel a été mis en place, procédure au terme de laquelle les contrats de travail des salariés non reclassés ont été rompus par des lettres de licenciement notifiées pour la plupart le 15 janvier 2010.

 

Contestant la légitimité de la rupture de leur contrat de travail, des salariés ont saisi la juridiction prud’homale de demandes de paiement de diverses indemnités dirigées contre la société filiale française, leur employeur, mais également à l’encontre de la société mère en tant que co-employeur.

 

En cause d’appel, cette affaire revient par devant la Cour d’Appel d’AMIENS laquelle, dans des arrêts du 30 septembre 2014, va considérer que la filiale et sa société mère sont co-employeurs et les condamner à verser in solidum des dommages et intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse de leur contrat de travail aux salariés.

 

Pour motiver sa décision, la Cour d’Appel va relever qu’à la date des faits, la filiale française était caractérisée par une absence d’autonomie réelle dans l’exercice des prérogatives normalement attachées à sa qualité d’employeur personne morale indépendante, qu’elles aient trait à l’exercice du pouvoir décisionnel, à la définition des choix et orientations économiques, à la maîtrise de son activité du point de vue industriel et commercial et financier ou dans la gestion de son personnel de sorte que la décision de restructuration et de fermeture de l’établissement, et la suppression consécutive de plus de 1000 emplois, n’avait été prise que pour des raisons de pure stratégie industrielle destinée à améliorer les performances du groupe de sorte que la Cour d’Appel considère que la situation de co-emploi entre les sociétés est avérée.

 

En suite de cette décision, les deux sociétés forment un pourvoi en cassation.

 

Bien leur en prit, puisque la Chambre Sociale dans l’arrêt précité du 6 juillet 2016 énonçant que, hors l’existence d’un lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être considérée comme un co-employeur à l’égard du personnel employé par une autre que s’il existe entre elles au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d’intérêt, d’activité et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière, et que le fait que la politique du groupe déterminée par la société mère ait une incidence sur l’activité économique et sociale de sa filiale, et que la société mère ait pris dans le cadre de cette politique des décisions affectant le devenir de sa filiale et se soit engagée à garantir l’exécution des obligations de sa filiale liée à la fermeture du site et à la suppression des emplois ne pouvait suffire à caractériser une situation de co-emploi, de sorte qu’en statuant comme elle l’a fait la Cour d’Appel a violé les dispositions de l’article L1221-1 du Code du Travail.

 

Par suite, la Chambre Sociale casse et annule l’arrêt d’appel sur ce point.

 

Cet arrêt fait partie des trois arrêts rendus par la Chambre Sociale de la Cour de Cassation le 6 juillet 2016 sur la notion de co-emploi dont elle confirme les critères restrictifs tirés du principe édité par l’arrêt « MOLEX » du 2 juillet 2014 (n°13-15.208, FS-P+B).

 

Christine MARTIN

Associée 

Vivaldi-Avocats

 

 

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