Prescription de l’action en paiement au titre d’un crédit immobilier consenti par un professionnel à un consommateur

Eric DELFLY
Eric DELFLY - Avocat associé

SOURCES : Cass 1ère civ. 11/02/2006, n° 14-22938 / 14-28383 / 14-27143 / 14-29539

I – La jurisprudence avant le revirement de février 2016

 

La position de la Cour de Cassation était claire : le point de départ de la prescription biennale[1] de l’action en paiement au titre d’un crédit immobilier consenti par un professionnel à un consommateur se situe à la date du premier incident de paiement non régularisé.

Par la suite, la Haute Cour avait-elle censuré des décisions d’une Cour d’Appel qui pour dire non prescrite l’action en paiement d’une banque contre un emprunteur défaillant, avait retenu que le point de départ du délai de la prescription biennale se situait à la date de déchéance du terme[2].

VIVALDI-Chronos avait écrit, commentant ces arrêts, que la Cour de Cassation invitait les créanciers à s’engager le plus tôt possible dans la « course au titre », le message semblait clair : agissez vite au risque de perdre tous droits sur votre débiteur.

En procédant à son revirement, la Cour de cassation introduit une nouvelle subtilité qui laisse un peu plus de place à la négociation entre le créancier et son débiteur.

II – Le revirement

Dans les 4 arrêts ci-avant commentés, la Cour de Cassation distingue désormais l’action en paiement des échéances et l’action en paiement du capital restant dû :

Action en paiement

La Haute juridiction applique la jurisprudence relative à la prescription des créances périodiques affirmant que la prescription se divise comme la dette elle-même et court à compter de chacune des échéances[3].

La solution est fondée sur l’article 2233-3 du Code Civil aux termes duquel la prescription ne court pas à l’égard d’une créance à terme jusqu’à ce que ce terme soit arrivé.

Action en paiement du capital restant dû

Pour l’instant, la Cour de Cassation applique comme point de départ la déchéance du terme, contrairement à sa jurisprudence antérieure, ce qui devrait inciter le créancier à se précipiter derrière le premier incident de paiement pour prononcer la déchéance du terme.

III – En pratique : attention à complexité

L’attention des praticiens est attirée sur l’obligation que leur commande la lecture de cette nouvelle jurisprudence, de détailler dans leur acte introductif d’instance, en remboursement d’un prêt immobilier, le montant de chacune des échéances impayées et le montant du capital restant dû.

A défaut de parvenir à un tel décompte, le Juge peut le soulever d’office en faisant simplement application des dispositions de l’article L 141-4 alinéa 1 du Code de la Consommation, ne fusse que pour pouvoir examiner le point de départ de la prescription pour chaque élément de la demande.

Enfin, on relèvera que faisant œuvre doctrinale, l’arrêt portant les références de l’arrêt n° 14-22938, précise que l’article L 137-2 du Code de la Consommation édicte une règle de portée générale ayant vocation à s’appliquer à tous les services financiers consentis par des professionnels à des particuliers, de sorte que la nature du prêt immobilier ou de trésorerie est indifférente.

Eric DELFLY

VIVALDI-Avocats


[1] Article L 137-2 du Code de la Consommation ; l’action en paiement de la banque à l’égard de l’emprunteur immobilier est défaillant, étant par ailleurs selon la jurisprudence de la Cour de Cassation, soumis à cette prescription biennale : pour l’arrêt de principe Cass 1e civ 28/11/2012,
n° 11-26508

[2] Cass 1e civ 10/07/2014, n° 13-15511 ou plus proche encore Cass 1e civ
03/06/2015, n° 14-16950

[3] Pour le principe, voir Cass soc. 13/12/1945, Dalloz 1946, p 137 ou plus près Cass 2e civ 17-5-1993, n° 91-19477 en matière de crédit immobilier ou plus encore Cass 1e civ 26/06/2012, n° 11-17744

 

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