Extension de la destination du bail par l’exercice d’une activité dite « incluse »

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

SOURCE : 3ème civ, 16 septembre 2015, n°14-18708, FS – P+B, Bulletin d’information de la Cour de cassation n° 835 du 1er février 2016 (n°106)

 

Lorsque le bail comporte une clause de destination restrictive, le preneur ne peut exploiter une activité différente de celle(s) stipulée(s), sans à minima en solliciter l’autorisation au bailleur, suivant les procédures de déspécialisation simple ou de déspécialisation plénière, selon la nature de l’activité envisagée.

 

La jurisprudence admet toutefois une entorse à ce principe, lorsque l’activité envisagée peut-être considérée comme implicitement incluse dans la destination contractuelle. Ainsi, l’évolution des usages commerciaux, la création de produits nouveaux ou l’actualisation de termes désuets sont autant de critères utilisés par les juridictions pour déterminer si l’activité exploitée est ou non comprise dans la destination du bail. L’enjeu est de taille, dès lors qu’à défaut d’autorisation du bailleur, l’exercice d’une activité non prévue peut entrainer la résiliation du bail.

 

Un bailleur avait ainsi découvert que son preneur, exploitait aux abords du Château de Versailles une activité de billetterie d’entrée au château en plus de son activité de café, bar, salon de thé, restauration, vente de jeux instantanés de la Française des jeux.

 

Dénonçant l’adjonction d’une activité qu’il considérait comme connexe et complémentaire, le bailleur signifiait au preneur un commandement d’avoir à respecter la clause destination du bail.

 

Le Preneur refusant de se conformer aux causes du commandement, le Bailleur l’a assigné en constat de l’acquisition de la clause résolutoire.

 

Alors que la jurisprudence relative à l’évolution des usages commerciaux était jusqu’à présent cantonnée aux évolutions générales de la profession, considérant ainsi que :

 

– la vente de matériel vidéo est une évolution des techniques de l’activité photographie –optique[1] ;

– l’activité de rôtisserie et de vente de volailles est une adaptation de l’activité de boucherie[2] ;

– les débitants de tabacs peuvent vendre des cartes téléphoniques[3] ;

 

La Cour d’appel de VERSAILLES considère en l’espèce que l’évolution d’usages commerciaux locaux peut également justifier une extension de plein droit de l’activité prévue au bail. Elle relève ainsi que la plupart des café-brasseries situés aux abords du château de Versailles vendent de tels billets d’accès au château, et que l’activité litigieuse vise la même clientèle et poursuit le même but de rendre un service de proximité, que l’activité autorisée.

 

Cette position est adoptée par la Cour de cassation, qui confirme que l’activité de billetterie, dans ce contexte, peut être considérée comme activité incluse dans celle de café brasserie. Mais attention : la Haute juridiction n’entérine donc pas la possibilité de principe pour l’exploitant d’un café-brasserie, d’étendre son activité à la billetterie.

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats

 


[1] CA PARIS, CH16B, 26 février 2004, Administrer mai 2004 p25

[2] 3ème civ, 21 janvier 2014, n°12-26147

[3] 3ème civ, 6 janvier 2009, n°07-21057

 

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