Source: TGI Paris, 9ème ch., 28 janvier 2014, n°10/03746 LMCU/Royal Bank of Scotland
S’appuyant sur un rapport d’audit réaliséen 2009 par la chambre régionale des comptes, la communauté urbaine de Lille va saisir en 2010 le TGI de Paris pour tenter d’obtenir l’annulation des 3 swaps qu’elle n’était pas parvenue à renégocier dont la valorisation était devenue négative après la crise de 2008. Subsidiairement elle sollicitait des dommages et intérêts pour manquement de l’établissement bancaire a son obligation d’information et de conseil lors de la souscription des trois swaps litigieux.
Le tribunal déboute, tout d’abord, la collectivité territoriale de ses demandes tendant à l’annulation des contrats pour dol et erreur, retenant, notamment que celle-ci était informée de l’existence d’un aléa, lequel est exclusif de l’erreur, et du risque encouru de payer un taux sans limite à la hausse.
En outre, le fait que la convention soit venue remplacer une précédente convention conclue en langue anglaise ne constitue pas une manoeuvre dolosive de la part de l’établissement financier.
Mais, concernant l’obligation d’information, le tribunal relève que si les trois swaps consistaient en un réaménagement de précédent swaps, ce réaménagement a consisté essentiellement à ajouter, du côté de la “jambe payeuse”, à un produit de pente une transaction indexée sur le cours du dollar en francs suisses alors que l’emprunt principal était exposé à un risque de conversion, en cas d’appréciation du franc suisse, et que le taux reçu dépendait également du cours de l’euro contre le franc suisse, le taux payé était, pour moitié, indexé sur le cours de change entre le dollar et le franc suisse. Or :
– “il n’a pas étécommuniquéde comparaison entre la valorisation du swap avant réaménagement et celle du swap après réaménagement,
– s’agissant du cours du dollar en francs suisses, si l’historique est produit, et si est également produite une simulation du taux àpayer, en fonction des évolutions de ce cours, il n’est pas contestépar la sociéte ́RBS que les “forwards” ou cours à terme n’ont pas éte ́communiqués a LMCU ; il s’agit incontestablement d’une information pertinente, que la banque aurait dûfournir àson cocontractant.“
L’établissement financier aurait en conséquence, manqué à son obligation d’information pour les trois swaps.
S’agissant de l’obligation de conseil consistant àproposer des produits adaptes aux besoins de LMCU la décision retient que pour deux des trois swap l’obligation avait étésatisfaite mais qu’
“en ce qui concerne le swap n°1, il porte sur un notionnel très important; il est d’une durée de treize ans, et présente la particularité d’être décalé dans le temps, ce qui, comme le souligne la chambre régionale des comptes, augmentait la “difficulté de la prévision. Il comporte, du côté du taux reçu, le risque de ne rien recevoir en cas d’appréciation de l’euro par rapport au franc suisse, ce qui, selon la chambre régionale des comptes, suffit à rendre l’échange défavorable. Le taux payé, qui est, pour moitié, indexé sur le cours du dollar en francs suisses, augmente le risque pris du côté du taux reçu, les anticipations allant dans le même sens d’une baisse du franc suisse. Ce contrat présente, d’après la chambre régionale des comptes, le risque le plus important jamais pris par LMCU dans la gestion de sa dette financière. La société RES, si elle a, dans la proposition de mai 2007, mentionné au titre des inconvénients que le taux protégé n’était pas protégé à la hausse, et que la structure était conditionnée au “fixing du USD/CHF”, avec des simulations, n’a àaucun moment indiquéquel était l’intérêt pour LMCU, par rappoli au contrat de couverture existant déjàentre les parties, de l’ajout de cette indexation.“
ce que le jugement qualifie de manquement à l’obligation de conseil du banquier.
Concernant le préjudice, qui réside dans une perte de chance, les contrats étant toujours en cours et la durée restant à courir étant encore longue, le tribunal préconise une médiation entre les parties la décision étant rendue sur ce point avant dire droit.
Le tribunal précise toutefois :
“Le préjudice résultant des manquements aux devoirs d’information et de conseil ne peut être égal à la valeur de remplacement des contrats, mais consiste dans la chance qu’a perdue LMCU de conclure des contrats d’échange de taux à de meilleures conditions, si elle avait étémieux informée, et, pour le swap n°1, mieux conseillée.”
Une victoire donc pour la collectivité mais une victoire en demi teinte avec une évaluation du préjudice qui pourrait assez peu compenser les pertes subies .
Eric DELFLY
Vivaldi Avocats