La question de la finance dans le patrimoine se scinde en deux : celle où les ménages ont un patrimoine déjà constitué et celle où il est en devenir, même si naturellement il y a une base commune. Quand un patrimoine est déjà constitué, il est en général plus difficile de faire évoluer les grandes masses car les choix ont globalement déjà été opérés. Et pourtant, depuis au moins une décennie, l’économie dans son ensemble nous a appris que la mobilité patrimoniale avait un sens car la valeur des actifs évoluait de plus en plus rapidement, crise ou non d’ailleurs.

 

La finance est souvent « opposée » à l’immobilier. Sur l’immobilier locatif, de 1965 à 2012 inclus, le rendement a été un peu plus important que les actions américaines ou françaises…(12% en immobilier et 10% en actions) mais il est vrai avec deux fois moins de volatilité. Cependant, l’adage « l’argent liquide vaut plus cher que l’argent bloqué (ou indisponible) » garde tout son sens dans des économies très fluctuantes.

 

Exemple concret : Un parent décède et laisse à deux enfants une résidence principale et une résidence secondaire d’un total de 1200 KE, quelques autres biens mobiliers pour 100 KE, et 50 KE d’épargne liquide. La succession porte alors sur 1,35 ME. Répartie en deux, moins l’abattement de 100 KE (aucune donation n’ayant été faite sur les 15 dernières années), la base taxable sera de 575 KE par enfant. Pour chacun d’eux, le total des droits à payer serait de 115 461 euros. Si les enfants ne peuvent payer chacun dans les six mois de la succession cette somme, il y aura un vrai souci.

 

Une organisation pratique serait un équilibre entre l’immobilier, la finance, et les biens professionnels. Il n’y a évidemment aucune bonne proportion à respecter car tout ceci dépend des objectifs et du potentiel de chacun. Il ne s’agit pas de mettre en confrontation les placements et l’immobilier, mais de comprendre que la finance a du sens, là où des idées reçues à son sujet se sont amplifiées avec la crise de 2008.

 

Les objectifs et la réalité peuvent ne plus pouvoir coïncider quand des facteurs exogènes perturbent l’organisation mise en place, ou plus souvent quand rien n’a été justement mis en place. Prenons cinq exemples dans lequel l’immobilier prédominant bloquerait des opérations patrimoniales :

 

– racheter des parts d’entreprise (cotée ou non),

 

– devoir financer le projet porteur d’un enfant,

 

– réaliser des donations et/ou payer des droits de donation (ou de succession)

 

– saisir une opportunité immobilière (résidence secondaire, immeuble de rapport…)

 

– financer les opérations intercalaires dans une procédure de divorce

 

Le critère important à mesurer est donc celui de la liquidité : quelle part du patrimoine devrait-elle être mobilisable rapidement ? Il s’agit de constituer une épargne qui puisse en un mois ou deux au plus devenir liquide car certaines opérations présentent des contraintes de temps. Un patrimoine professionnel ne peut devenir liquide dans un délai court : on ne revend pas tout ou partie de son entreprise aussi rapidement, et la liquidité dépend de nombreux facteurs parfois compliqués. Sur l’immobilier, le sujet est délicat à opérer : il faut prendre la décision d’une revente éventuelle (si tant elle qu’elle puisse être opérante…quand il s’agit de biens en défiscalisation, cela est difficile dans le délai des 9 ans). Il faut déterminer la valeur d’un bien, s’ajuster par rapport aux emprunts éventuels, aux plus-values, à la fiscalité directe/indirecte, aux loyers quand il y en a, …

 

L’on peut naturellement réaliser des emprunts dans l’attente de réalisation d’un bien, mais cela peut représenter un coût en terme de garantie, et ne pas pouvoir correspondre en terme de taux d’endettement, compte tenu de l’exigence des banques.

 

La finance patrimoniale serait à répartir en quatre poches distinctes :

 

– celle dédiée à la fiscalité directe, c’est-à-dire le paiement des impôts connus dont il faut s’acquitter (IR, ISF, impôts de plus-value, CSG/CRDS…),

 

– celle affectée à la fiscalité patrimoniale pour les cas où des donations par exemple nécessiteraient des fonds et corrélativement le paiement des droits, sans devoir mobiliser d’autres biens,

 

– celle consacrée aux projets à financer, pour lesquels il est préférable de pouvoir mobiliser des fonds, même en sortant des marchés financiers, car en général, les projets rapportent plus que les placements financiers (toutes choses étant égales par ailleurs),

 

– celle placée à long terme comme étant un « trésor de guerre », l’épargne patrimoniale de sécurité, celle qui pourrait être transmise à la génération suivante.

 

Quand un patrimoine est donc constitué, il n’est pas toujours aisé de rectifier les choix déjà réalisés. Il faut jouer alors sur la durée afin de mieux répartir son patrimoine, et ce progressivement, permettant à la finance d’être constituée à bon escient. La bonne impulsion conduit souvent à la réalisation des objectifs.

 

Sur un patrimoine en devenir, la question paraît simple et pourtant la pratique n’est pas si aisée à mettre en place. D’abord parce que l’immobilier rassure, par nature, et aussi par la proximité que l’on peut avoir avec lui (voir les biens, y habiter, travaux d’amélioration, loyers à percevoir…). Ensuite, un patrimoine en devenir est constitué globalement lors de la cession d’entreprise (ou d’une affaire personnelle). Dans ce cas de figure, le cédant passe d’une situation qu’il maitrisait (chiffre d’affaires, machines, personnel, marges, …) à celle où les marchés financiers électroniques n’ont de restitution matérielle que les reportings de gestion, et sur lesquels l’on n’a pas de prise.

 

La crise financière (ou plutôt les crises financières depuis 20 ans) ont contribué aussi à un climat de défiance vis-à-vis de la finance. Comment vouloir espérer une progression régulière du patrimoine avec une volatilité ne permettant pas d’assurer une régularité des performances. Néanmoins il ne faut pas considérer les marchés financiers comme étant risqués car ils offrent une très grande variété de placements, y compris prudents.

 

Comment alors se constituer une épargne « liquide » dans un patrimoine déjà constitué ? L’effort d’épargne est le premier moyen. Le second est celui d’une épargne de type PEE (plan d’épargne entreprise) où après 5 ans, sans cas de déblocage anticipé, les fonds sont disponibles. Le troisième moyen est celui des dividendes quand cela est possible. Le quatrième serait de céder un bien immobilier peu rentable ou de qualité moyenne. Quant à attendre dans certains cas un héritage, cela n’est pas « satisfaisant » : l’échéance est incertaine, les biens ne seront pas tous liquides, les procédures parfois longues.

 

Comment et où placer l’argent ? Il est évident que chaque situation est particulière, et tout aussi évident qu’il faut être prudent dans ses choix (conseiller, placements, supports…). Une autre évidence est que l’on ne fait pas fortune en plaçant son argent, sauf à accepter de perdre potentiellement autant que la mise initiale.

 

L’objectif recherché dans la place de la finance est de détenir des réserves financières liquides et mobilisables sans que cela ne génère des contraintes ou des moins-values potentielles (sauf quand les nécessités positives l’emportent sur les contraintes).

 

François ALMALEH

FINADOC

 

Directeur financier privé, Services financiers aux dirigeants, Gestion de fortune Conseiller en Investissements financiers

enregistré sous le n°D011865 auprès de la CNCIF, agréé AMF Orias N° 11 062 831 N° AMF : 513969642 Démarchage bancaire et financier : 2113203879HQ  RC : Chartis Europe

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