SOURCE : CA PARIS – POLE, Chambre 2, 30 octobre 2013 – JurisData n°2013-024358
Dès lors que le règlement de copropriété pose pour principe le droit d’utiliser les locaux commerciaux du rez-de-chaussée pour tous commerces ou toutes activités et que sont seules interdites, par exception, les activités de nature à porter atteinte à la qualité de l’immeuble, à sa solidité ou à la tranquillité de ses occupants par le bruit, l’odeur, les vibrations notamment, avec une liste, certes non limitative, des commerces et activités interdits parce que générant, de par leur nature même, les nuisances interdites, il en résulte que la résolution indiquant : «sont également interdits les commerces nécessitant une cuisson sur place, par quelque mode que ce soit (notamment four, chaleur, électricité)» constitue, non une précision, mais un ajout restrictif à la liberté de principe posée par le règlement de copropriété dans la mesure où ces commerces nouvellement interdits, de par leur nature, ne sont pas générateurs des nuisances prohibées.
Dans ces conditions, la résolution est de nature à porter atteinte aux modalités de jouissance des parties privatives, nécessitant un vote à l’unanimité des copropriétaires. Faute de quoi, elle doit être annulée.
En l’espèce, la SCI POINCARE 16 est notamment propriétaire, dans l’immeuble en copropriété, d’un local commercial au rez-de-chaussée.
Par bail commercial en date du 19 juillet 2004, la SCI POINCARE 16 a loué ces locaux à la société LESK pour y exercer une activité de « fabrication et vente de produits de boulangerie, pâtisserie, viennoiserie, en gros ou en détail, à consommer sur place et/ou à emporter, la restauration rapide, café et salon de thé », la société LESK ayant loué aux mêmes fins le lot voisin appartenant à la SCI AVISSAC et réuni les deux lots pour les besoins de son exploitation.
Aujourd’hui, la société LESK a quitté les lieux, les locaux de la SCI POINCARE 16 étant loués à une société qui y exerce un commerce de vente d’articles de salles de bains et ceux de la SCI AVISSAC étant loués à une société de restauration rapide « sans conduit de cheminée ».
Le règlement de copropriété stipule que l’immeuble est à usage principal d’habitation et précise : « les locaux commerciaux au rez-de-chaussée pourront être utilisés pour tous commerces ou toutes activités à condition qu’ils ne soient pas de nature à porter atteinte à la qualité de l’immeuble, à sa solidité ou à la tranquillité de ses occupants par le bruit, l’odeur, les vibrations notamment.
Sont notamment interdits, les commerces de poissonnerie et la vente de produits « à la criée », ainsi que les messageries, les entreprises de coursiers, les sex shop, boîtes de nuit, cours de danse, de musique ou de chants, les ateliers de couture et les métiers de petits marteaux ».
Lors de l’assemblée générale du 6 mai 2008, les copropriétaires ont adopté, à la majorité de l’article 26, et donc à la majorité des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers des voix, une résolution n°14rédigée comme suit : « après avoir rappelé les dispositions du règlement de copropriété, l’état des procédures et l’incendie du 30-31 mars 2008, et après en avoir délibéré, l’assemblée générale décide, qu’en conformité avec les dispositions du règlement de copropriété, interdisant tous commerces sources de troubles, désordres ou nuisances, sont également interdits les commerces nécessitant une cuisson sur place, par quelque mode que ce soit (notamment four, chaleur, électricité) ».
La SCI POINCARE 16 a voté contre cette résolution puis obtenu du Tribunal de Grande Instance son annulation.
Le syndicat des copropriétaires a interjeté appel de cette décision.
Confirmant le jugement entrepris, la Cour a considéré que « le syndicat des copropriétaires ne peut pas valablement soutenir que la résolution querellée pouvait être adoptée à la majorité de l’article 26 au motif qu’elle n’emporterait ni ajout ni modification du règlement de copropriété portant atteinte aux modalités des parties privatives, ledit règlement ne visant pas de façon limitative les nuisances ou les commerces interdits alors que ledit règlement pose pour principe le droit d’utiliser les locaux commerciaux du rez-de-chaussée pour tous commerces ou toutes activités et que sont seules interdites, par exception, les activités de nature à porter atteinte à la qualité de l’immeuble, à sa solidité ou à la tranquillité de ses occupants par le bruit, l’odeur, les vibrations notamment, avec une liste, certes non limitative, des commerces et activités interdits parce que générant, de par leur nature même, les nuisances interdites.
La résolution querellée indiquant : « sont également interdits les commerces nécessitant une cuisson sur place, par quelque mode que ce soit (notamment four, chaleur, électricité) » constitue, non une précision, mais un ajout restrictif à la liberté de principe posée par le règlement de copropriété dans la mesure où ces commerces nouvellement interdits, de par leur nature, ne sont pas générateurs des nuisances prohibées.
Dans ces conditions, la résolution querellée est de nature à porter atteinte aux modalités de jouissance des parties privatives, nécessitant un vote à l’unanimité des copropriétaires ».
Il sera en effet rappelé que chaque copropriétaire dispose, en application des dispositions de l’article 9 de la Loi du 10 juillet 1965, des parties privatives comprises dans son lot et qu’il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble.
Aussi, cette décision est à rapprocher d’un arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 31 mars 2004[1] par lequel celle ci a considéré : « N’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’ article 26 de la loi du 10 juillet 1965 , la cour d’appel qui déclare irrecevable l’action en nullité de la décision d’assemblée générale des copropriétaires ayant voté une décision refusant l’installation d’un commerce alimentaire avec cuisson dans les locaux commerciaux de l’immeuble, sans rechercher comme il le lui était demandé, si cette décision ne portait pas atteinte aux modalités de jouissance des locaux commerciaux dont le copropriétaire entendait donner à bail à titre de restaurant ».
Seules peuvent donc être prises à la majorité de l’article 26 les décisions concernant :
– Les actes d’acquisition immobilière et les actes de disposition autres que ceux visés à l’article 25 d ;
– La modification, ou éventuellement l’établissement, du règlement de copropriété dans la mesure où il concerne la jouissance, l’usage et l’administration des parties communes ;
– Les travaux comportant transformation, addition ou amélioration, à l’exception de ceux visés aux e, g, h, i, j, m et n de l’article 25 ;
– La demande d’individualisation des contrats de fourniture d’eau et la réalisation des études et travaux nécessaires à cette individualisation prévus par l’article 93 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains ;
– Les modalités d’ouverture des portes d’accès aux immeubles. En cas de fermeture totale de l’immeuble, celle-ci doit être compatible avec l’exercice d’une activité autorisée par le règlement de copropriété. La décision d’ouverture est valable jusqu’à la tenue de l’assemblée générale suivante ;
– La suppression du poste de concierge ou de gardien et l’aliénation du logement affecté au concierge ou au gardien lorsqu’il appartient au syndicat, sous réserve qu’elles ne portent pas atteinte à la destination de l’immeuble ou aux modalités de jouissance des parties privatives de l’immeuble.
Delphine VISSOL
Vivaldi-Avocats
[1] Cass., 3ème civ., 31 mars 2004 – JurisData n°2004-023309