Disproportion manifeste du cautionnement, vers un renforcement de l’efficacité du cautionnement.

Jacques-Eric MARTINOT
Jacques-Eric MARTINOT - Avocat

 

Source : Cass.com., 28 février 2018, n° 16-24841 F-P+B+I

 

I – Le principe.

 

En matière de cautionnement, le législateur suivi de la jurisprudence ont imposé un formalisme lourd. Les moyens de défense sont aujourd’hui devenus récurrents en ce que la disproportion est systématiquement soulevée.

 

Le Code de la consommation, en son article L341-4 est clair à ce sujet en précisant :

 

« Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. » 

 

Deux temps sont définis :

 

– Le premier se situe au jour de l’engagement ;

– Le second au jour où la caution est appelée.

 

La fiche patrimoniale complétée par la Caution au jour de l’engagement de caution permet d’apprécier cette proportionnalité.

 

Malgré tout et en dépit de cette fiche certifiée sincère et véritable prouvant la proportionnalité de l’engagement, la disproportion est systématiquement soulevée par le garant.

 

Si les juges du fond ont un pouvoir d’appréciation souverain sur la disproportion, le principe de proportionnalité est souvent invoqué pour de multiples raisons. Contrairement au devoir de mise en garde, il importe peu le caractère averti ou non de la caution, mais surtout, ce moyen de défense est imprescriptible. La tentation est donc grande.

 

La Cour, dans le corps de l’arrêt commenté, vient renforcer l’efficacité du cautionnement et vient mettre fin à tout débat dilatoire sur une éventuelle disproportion.

 

II – Les faits.

 

Une banque consent un prêt de 500.000 € à une société et prend dans le même temps en garantie le cautionnement solidaire du Président de celle-ci à hauteur de 260.00 €.

 

A la suite d’une procédure de sauvegarde, redressement puis liquidation judiciaire, la Banque assigne le garant en exécution de ses engagements.

 

Bien évidemment, et à la suite des propos repris ci-dessus, la disproportion est opposée à la Banque.

 

La Cour d’appel de Versailles a constaté la disproportion de l’engagement souscrit. En effet, la fiche patrimoniale indiquait que les revenus et patrimoine, grevés du remboursement d’encours bancaires, du garant pouvaient être évalués à 290.000 € soit un montant équivalent à l’engagement de caution.

 

Autrement dit, l’engagement de caution représentait 90% du patrimoine et revenus de la caution.

 

Si l’on ajoute l’endettement que connaissait par ailleurs la caution, on peut penser qu’il y a une application étroite du texte

 

III – L’arrêt rendu par la Cour de cassation.

 

La Cour de cassation, dans un arrêt ayant reçu une large publication, casse l’arrêt rendu par la Cour d’appel de VERSAILLES et précise « qu’en se déterminant par de tels motifs impropres à établir la disproportion manifeste du cautionnement, aux biens et revenus de la caution au jour ou il a été souscrit, laquelle suppose que la caution se trouve, lorsqu’elle souscrit, dans l’impossibilité manifeste de faire face à un tel engagement avec ses biens et revenus, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale. »

 

La Cour de cassation réintroduit le caractère manifestement disproportionné au cœur de l’appréciation du cautionnement et offre par cet arrêt un moyen de contrôle « la caution se trouve, lorsqu’elle souscrit, dans l’impossibilité manifeste de faire face à un tel engagement avec ses biens et revenus ».[1]

 

Il faut voir dans cet arrêt une conformité avec le projet de réforme du droit des suretés qui précise en son article 2301 que « Le cautionnement souscrit par une personne physique est réductible s’il était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine de la caution, à moins que celle-ci, au moment où elle est appelée, ne soit en mesure de faire face à son obligation ».

 

La sanction sera la réductibilité et non l’inefficacité de l’engagement de caution. Il s’agira pour le magistrat de rétablir la proportionnalité de l’engagement de caution en cas de disproportion manifeste.

 

Jacques-Eric MARTINOT

Vivaldi Avocats



[1] Voir également : Com. 15 nov. 2017, n° 16-10.504

 

 

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