Crédit auto et réserve de propriété : attention aux clauses abusives !

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

 

Source : Cass., avis, 28 nov. 2016, n°1670009

 

Dans cet avis promis à une large diffusion, la Cour de cassation s’intéresse à trois clauses contenues, soit dans le contrat de crédit automobile, soit dans un document contractuel annexe. Toutes traitent de la réserve de propriété stipulée sur le véhicule, et toutes sont considérées désormais comme abusives au sens de l’article L.132-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016[1].

 

Les questions sont manifestement d’importance car, comme le remarque l’avocat général, « les trois stipulations litigieuses existent dans de nombreux contrats de crédit à la consommation, accessoires à des ventes de véhicules automobiles », même si elles ne sont pas incluses cumulativement et systématiquement.    

 

I – La clause prévoyant la subrogation du prêteur dans la réserve de propriété du vendeur en application de l’article 1250, 1o, du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, doit être considérée comme abusive au sens de l’article L.132-1 du Code de la consommation.

 

La Cour de cassation considère d’abord que le créancier subrogeant doit recevoir son paiement d’une tierce personne. Ici ce n’est pas le cas puisque que l’auteur du paiement n’est pas le prêteur, lequel « se borne à verser au vendeur les fonds empruntés par son client afin de financer l’acquisition d’un véhicule, ce client étant devenu dès la conclusion du contrat de crédit, propriétaire des fonds ainsi libérés entre les mains du vendeur ». Or, comme le rappelle la notice explicative de ces avis, « un paiement fait par le débiteur ne peut emporter subrogation, et ce même si la quittance énonce que ce paiement est fait au moyen de deniers empruntés à un tiers ». C’est de jurisprudence constante[2]. La subrogation est alors inopérante et la clause l’envisageant est, pour cette raison et comme l’explique encore la notice, une clause de « laisser croire » donnant l’impression à l’acquéreur que la réserve de propriété a été régulièrement transférée. Cette clause est donc abusive, parce qu’elle crée un déséquilibre significatif.

 

II – La clause prévoyant la renonciation du prêteur au bénéfice de la réserve de propriété grevant le bien financé et la faculté d’y substituer unilatéralement un gage portant sur le même bien.

 

Pour la Cour, cette clause doit être considérée comme abusive, cette fois-ci sauf preuve contraire. Et l’avis de poursuivre en estimant qu’une telle clause doit, au surplus, être réputée non écrite « dès lors qu’elle ne prévoit pas d’informer l’emprunteur d’une telle renonciation ». 

 

III – La clause ne prévoyant pas, en cas de revente par le prêteur du bien financé grevé d’une réserve de propriété, la possibilité pour l’emprunteur de présenter lui-même un acheteur faisant une offre.

 

Cette décision part d’un constat dressé par la Cour de cassation, selon lequel le prix découlant de la revente est bien souvent inférieur à la valeur réelle du véhicule, notamment parce que la cession intervient en vente aux enchères publiques. Aussi, « le fait d’autoriser le prêteur à réaliser le bien repris sans permettre à l’emprunteur de présenter lui-même un acheteur faisant une offre, a pour effet d’aggraver la situation financière du débiteur et de créer un déséquilibre significatif à son détriment » La Cour invite les prêteurs de derniers à s’inspirer du dispositif du crédit-bail pour impliquer l’emprunteur dans le processus de vente.

 

Au regard du nombre de crédits automobiles concernés, cet avis mérite toute notre attention…

 

Thomas LAILLER

 

Vivaldi-Avocats  


 

[1] Art. L.132-1 C. consomm. : « Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

 

Un décret en Conseil d’Etat, pris après avis de la commission instituée à l’article L.534-1, détermine une liste de clauses présumées abusives ; en cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le professionnel doit apporter la preuve du caractère non abusif de la clause litigieuse.

 

Un décret pris dans les mêmes conditions détermine des types de clauses qui, eu égard à la gravité des atteintes qu’elles portent à l’équilibre du contrat, doivent être regardées, de manière irréfragable, comme abusives au sens du premier alinéa.

 

Ces dispositions sont applicables quels que soient la forme ou le support du contrat. Il en est ainsi notamment des bons de commande, factures, bons de garantie, bordereaux ou bons de livraison, billets ou tickets, contenant des stipulations négociées librement ou non ou des références à des conditions générales préétablies.

 

Sans préjudice des règles d’interprétation prévues aux articles 1188, 1189, 1191 et 1192 du code civil, le caractère abusif d’une clause s’apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat. Il s’apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l’exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l’une de l’autre.

 

Les clauses abusives sont réputées non écrites.

 

L’appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

 

Le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s’il peut subsister sans lesdites clauses.

 

Les dispositions du présent article sont d’ordre public. »

 

[2] Cass. com., 28 janv. 2011, n°10-20.420, F-P+B

 

Crédit auto et réserve de propriété : attention aux clauses abusives !

Banque/Crédit – Cautions et garanties

À l’occasion d’une demande formulée par un tribunal d’instance et concernant le contrat de crédit destiné à l’acquisition d’un véhicule automobile, la Cour de cassation considère comme abusives trois clauses concernant la réserve de propriété.

Source : Cass., avis, 28 nov. 2016, n°1670009

Dans cet avis promis à une large diffusion, la Cour de cassation s’intéresse à trois clauses contenues, soit dans le contrat de crédit automobile, soit dans un document contractuel annexe. Toutes traitent de la réserve de propriété stipulée sur le véhicule, et toutes sont considérées désormais comme abusives au sens de l’article L.132-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016[1].

Les questions sont manifestement d’importance car, comme le remarque l’avocat général, « les trois stipulations litigieuses existent dans de nombreux contrats de crédit à la consommation, accessoires à des ventes de véhicules automobiles », même si elles ne sont pas incluses cumulativement et systématiquement.    

I – La clause prévoyant la subrogation du prêteur dans la réserve de propriété du vendeur en application de l’article 1250, 1o, du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, doit être considérée comme abusive au sens de l’article L.132-1 du Code de la consommation.

La Cour de cassation considère d’abord que le créancier subrogeant doit recevoir son paiement d’une tierce personne. Ici ce n’est pas le cas puisque que l’auteur du paiement n’est pas le prêteur, lequel « se borne à verser au vendeur les fonds empruntés par son client afin de financer l’acquisition d’un véhicule, ce client étant devenu dès la conclusion du contrat de crédit, propriétaire des fonds ainsi libérés entre les mains du vendeur ». Or, comme le rappelle la notice explicative de ces avis, « un paiement fait par le débiteur ne peut emporter subrogation, et ce même si la quittance énonce que ce paiement est fait au moyen de deniers empruntés à un tiers ». C’est de jurisprudence constante[2]. La subrogation est alors inopérante et la clause l’envisageant est, pour cette raison et comme l’explique encore la notice, une clause de « laisser croire » donnant l’impression à l’acquéreur que la réserve de propriété a été régulièrement transférée. Cette clause est donc abusive, parce qu’elle crée un déséquilibre significatif.

II – La clause prévoyant la renonciation du prêteur au bénéfice de la réserve de propriété grevant le bien financé et la faculté d’y substituer unilatéralement un gage portant sur le même bien.

Pour la Cour, cette clause doit être considérée comme abusive, cette fois-ci sauf preuve contraire. Et l’avis de poursuivre en estimant qu’une telle clause doit, au surplus, être réputée non écrite « dès lors qu’elle ne prévoit pas d’informer l’emprunteur d’une telle renonciation ». 

III – La clause ne prévoyant pas, en cas de revente par le prêteur du bien financé grevé d’une réserve de propriété, la possibilité pour l’emprunteur de présenter lui-même un acheteur faisant une offre.

Cette décision part d’un constat dressé par la Cour de cassation, selon lequel le prix découlant de la revente est bien souvent inférieur à la valeur réelle du véhicule, notamment parce que la cession intervient en vente aux enchères publiques. Aussi, « le fait d’autoriser le prêteur à réaliser le bien repris sans permettre à l’emprunteur de présenter lui-même un acheteur faisant une offre, a pour effet d’aggraver la situation financière du débiteur et de créer un déséquilibre significatif à son détriment » La Cour invite les prêteurs de derniers à s’inspirer du dispositif du crédit-bail pour impliquer l’emprunteur dans le processus de vente.

Au regard du nombre de crédits automobiles concernés, cet avis mérite toute notre attention…

Thomas LAILLER

Vivaldi-Avocats 



[1] Art. L.132-1 C. consomm. : « Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Un décret en Conseil d’Etat, pris après avis de la commission instituée à l’article L.534-1, détermine une liste de clauses présumées abusives ; en cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le professionnel doit apporter la preuve du caractère non abusif de la clause litigieuse.

Un décret pris dans les mêmes conditions détermine des types de clauses qui, eu égard à la gravité des atteintes qu’elles portent à l’équilibre du contrat, doivent être regardées, de manière irréfragable, comme abusives au sens du premier alinéa.

Ces dispositions sont applicables quels que soient la forme ou le support du contrat. Il en est ainsi notamment des bons de commande, factures, bons de garantie, bordereaux ou bons de livraison, billets ou tickets, contenant des stipulations négociées librement ou non ou des références à des conditions générales préétablies.

Sans préjudice des règles d’interprétation prévues aux articles 1188, 1189, 1191 et 1192 du code civil, le caractère abusif d’une clause s’apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat. Il s’apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l’exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l’une de l’autre.

Les clauses abusives sont réputées non écrites.

L’appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

Le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s’il peut subsister sans lesdites clauses.

Les dispositions du présent article sont d’ordre public. »

[2] Cass. com., 28 janv. 2011, n°10-20.420, F-P+B

 

 

 

 

 

 

 

 

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