Contrefaçon sur un site accessible en France : compétence du Juge français

Virginie PERDRIEUX
Virginie PERDRIEUX

 

Source :   Cour d’Appel de PARIS, Pôle 5, 2ème Chambre, 17 novembre 2017, RG n° 17/10132, affaire RTBF LA UNE et ENDEMOLSHINE BELGIUM c/ TWICKY RECORDS, M. X et autres

 

En droit français, l’article 46 du Code de procédure civile permet au demandeur de choisir le lieu du procès en matière délictuelle, entre le lieu où demeure le défendeur, le lieu du fait dommageable et le lieu dans le ressort duquel le dommage a été subi.

 

L’article 5 du Règlement européen du 22 décembre 2000 CE44/2001 prévoit de façon similaire qu’une personne domiciliée sur le territoire d’un Etat membre peut être attraite dans un autre Etat membre, en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le Tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire.

 

Seulement, lorsque la faute résulte de la diffusion d’un contenu sur un site Internet, la nature intrinsèquement internationale du réseau web emporte une « plurilocalité » du fait dommageable, de sorte que la question s’est posée de savoir si une telle constatation devait permettre à la partie s’estimant victime d’un dommage de saisir le Juge de son choix sur tout territoire où ledit site Internet serait accessible.

 

Les Juges avaient d’ores et déjà apporté un premier élément de réponse en retenant que lorsqu’un dommage survient sur l’ensemble du territoire national à raison d’un site Internet au contenu illicite, la juridiction du lieu où celui-ci a été subi est compétente en dépit du fait qu’il se serait également produit dans d’autres ressorts[1].

 

Les Juges avaient ainsi eu recours à la théorie de l’accessibilité, selon laquelle un délit propagé sur Internet serait par là même localisé en tous points du territoire où le site en question serait accessible, fondant ainsi la compétence d’une pluralité de Juges.

 

Par son arrêt en date du 17 novembre 2017, la Cour d’appel de Paris fait application de cette théorie de l’accessibilité pour déterminer la compétence des juridictions françaises dans le cadre d’un litige international.

 

En effet, les auteurs compositeurs et la société de production de la chanson « Badminton » du groupe français ASTONVILLA avaient assigné devant le Tribunal de Grande Instance de Paris la RTBP et la société de production de l’émission « The Voice » sur le fondement de la contrefaçon de droit d’auteur, à raison de l’utilisation sans leur autorisation de ladite chanson pour le générique de l’émission. La bande annonce de l’émission intégrant le générique contrefaisant avait été mise en ligne sur la page Facebook de la RTBP, qui était parfaitement accessible en France.

 

Saisie de la question de la compétence, la Cour d’appel retient que les juridictions françaises sont effectivement compétentes dès lors que le dommage a eu lieu en France, rappelant que la CJUE a d’ores et déjà retenu que la victime d’une atteinte à ses droits sur Internet peut saisir le Tribunal de centre de ses intérêts au titre de l’intégralité du dommage.

 

Cette décision confirme le principe selon lequel en matière délictuelle, la partie victime d’un dommage résultant d’un site Internet peut saisir la juridiction de son choix sur tout territoire sur lequel ledit site Internet est accessible.

 

Virginie PERDRIEUX

Vivaldi-Avocats


[1] Cass. Com., 7 juillet 2009, n° 08-17.135, Bull. Civ., IV, n° 95.

 

 

 

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