Procédure collective et paiement par compensation de créances connexes : illustration avec l’affacturage

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

 

Source : Cass. com. 20 septembre 2017, n°16-16.636, F-D

 

I – Le texte en question

 

L’article L.622-7, I, du Code de commerce prévoit notamment que :

 

« Le jugement ouvrant une procédure collective emporte, de plein droit, interdiction pour le débiteur de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception du paiement par compensation de créances connexes (…) »

 

II – Les faits

 

Une entreprise a conclu un contrat d’affacturage, qui prévoyait la mise en place d’un compte courant et d’un compte de garantie, sur lequel elle versait des fonds. Après la mise en redressement puis en liquidation judiciaires de l’entreprise, la société d’affacturage a déclaré une créance, admise au passif. Elle a par la suite clôturé le compte courant, en y inscrivant au débit le montant de sa créance et, au crédit, le solde du compte de garantie.

 

Le liquidateur judiciaire de l’entreprise a demandé à la société d’affacturage de lui restituer la somme correspondant au solde du compte de garantie, afin qu’elle soit reversée à la procédure collective.

 

La demande est rejetée par les juges du fond. Un pourvoi en cassation est formé.

 

II – L’arrêt de rejet

 

Selon le liquidateur judiciaire, la condition de connexité suppose, pour être remplie, que les créances à compenser soient inscrites sur un compte unique. Elle est en revanche exclue lorsque les créances sont inscrites sur deux comptes distincts, compte tenu du principe d’indépendance des comptes.

 

Il arguait notamment que les clauses de compensation entre créances réciproques ne suffisent pas à caractériser entre elles la connexité requise par l’article L.622-7 I du Code de commerce aux fins de permettre leur compensation, outre qu’elle aurait dû commencer à fonctionner avant la période suspecte.

 

Seuls peuvent faire l’objet d’une clause d’unité de comptes, des comptes compatibles entre eux. Ce n’était pas le cas en l’espèce d’après le liquidateur, s’agissant d’un compte courant et d’un compte de garantie, ce dernier ayant pour finalité de réaliser une garantie, et non de permettre des règlements.

 

Enfin, le liquidateur reprochait aux juges du fond de ne pas avoir vérifié si les parties, ou l’une d’elles, n’avait pas délibérément provoqué cette connexité, en portant au crédit du compte courant de la société le solde du compte de garantie.

 

La Cour de cassation rejette le pourvoi car, procédant du même contrat d’affacturage, les créances réciproques étaient connexes et pouvaient donc se compenser. Le contrat d’affacturage prévoyait la constitution d’un compte courant, sur lequel devaient être inscrites les créances réciproques des parties, et celle d’un compte de garantie, sous forme d’un gage-espèces, destiné à garantir le remboursement des sommes dont l’entreprise adhérente pouvait devenir débitrice envers la société d’affacturage ; les créances réciproques en cause correspondaient, pour la première, au solde débiteur du compte courant dont l’entreprise était redevable envers la société d’affacturage, pour la seconde, au solde du compte de garantie dû par cette dernière à l’entreprise après résiliation du contrat d’affacturage.

 

III – Un exemple de plus sur la connexité des créances

 

Les créances réciproques sont connexes lorsqu’elles sont issues ou dérivent d’un même contrat, ou encore se rattachent à plusieurs contrats à condition que ceux-ci  relèvent d’un ensemble contractuel unique, servant de cadre général aux relations des parties.

 

Cet arrêt illustre une nouvelle fois la notion de créances connexes. Cette connexité est possible également dans le cadre de la poursuite de l’activité, dès lors que ces créances sont réciproques, certaines[1]. La compensation ne peut toutefois intervenir que si la créance antérieure a été déclarée à la procédure collective.

 

En matière d’affacturage, il a été jugé que la condition de connexité était remplie pour une créance étrangère au contrat d’affacturage. La clause permettant à l’affactureur de porter au débit du compte courant ouvert par son client des créances acquises sur un autre adhérent, fournisseur du débiteur, est opposable à la procédure collective de l’adhérent, cette entrée en compte courant réalisant la condition de connexité[2].

 

Thomas LAILLER

Vivaldi-Avocats


[1] Cass. com. 21 février 2012, no11-18.027

[2] Cass. com., 1er mars 2005, n°03-18.774 

 

 

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