Source : Cass. 1ère civ. 4 févr. 2015, n°14-10.477 : JurisData n° 2015-002413.
Le représentant d’une société a visité un appartement à louer par l’entremise d’un agent immobilier, mandataire des propriétaires.
L’agent immobilier a établi le dossier « candidat-locataire », qui a été accepté par le propriétaire.
La société ayant confirmé, début mars 2011, la réservation définitive de l’appartement, l’agent immobilier a rédigé le bail, dressé l’état des lieux et établi, le 3 mars 2011, une facture acquittée d’un montant de 1 300 euros pour « honoraires de location, rédaction bail, état des lieux ».
Le 21 avril 2011, la société, qui n’avait pas signé le bail, a renoncé à prendre l’appartement et sollicité le remboursement de la somme susdite, qu’elle avait préalablement remise par chèque à l’agent immobilier.
Ce dernier refusant de procéder à la restitution, la société l’a assigné en remboursement et indemnisation.
Pour débouter la société de ses demandes, le jugement énonce que la somme de 1 300 euros correspond aux honoraires dus par elle, que, compte tenu de l’engagement de cette dernière, l’agent immobilier a effectué toutes les diligences nécessaires en vue de la location de l’appartement, que l’absence de signature du bail est due au désistement de la société et que les honoraires de l’agent immobilier étaient donc dus.
Soumis au contrôle de la Cour de cassation, ce jugement est cassé, la Première Chambre civile de la Cour de cassation considérant que :
« en statuant ainsi, alors qu’aucune commission ne peut être exigée ou même acceptée par l’agent immobilier ayant concouru à une opération qui n’a pas été effectivement conclue, celui-ci ne pouvant prétendre qu’à des dommages-intérêts en cas d’échec de l’opération du fait du candidat locataire, le tribunal d’instance a violé le texte susvisé », savoir, l’article 6, I, alinéa 3, de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970 lequel dispose :
« Aucun bien, effet, valeur, somme d’argent, représentatif d’honoraires, de frais de recherche, de démarche, de publicité ou d’entremise quelconque, n’est dû aux personnes indiquées à l’article 1er ou ne peut être exigé ou accepté par elles, avant qu’une des opérations visées audit article ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte écrit contenant l’engagement des parties ».
Il s’agit donc en l’espèce d’une solution qui, classiquement appliquée en matière de vente où la signature d’une promesse ne permet pas à l’intermédiaire de percevoir sa commission dès lors que l’acte n’a pas été réitéré par acte notarié, est ici appliqué par la Cour de cassation en matière de contrat de bail.
L’agent immobilier n’est cependant pas totalement démuni dès lors qu’il reste recevable à agir en responsabilité à l’encontre du candidat locataire, la Cour de cassation rappelant que celui-ci peut prétendre à des dommages et intérêts en cas d’échec de l’opération du fait du candidat locataire.
Reste cependant pour l’agent immobilier à prouver la faute de ce candidat locataire, le préjudice étant quant à lui constitué par l’absence de perception des honoraires prévus suite à son intervention dans la location de ce bien (visite, rédaction du bail, état des lieux…).
Il sera également souligné qu’en l’espèce, la procédure tendait à obtenir la restitution de sommes d’ores et déjà versées à l’agent immobilier et ce, avant même la signature du bail.
Or, il est rappelé que cette pratique était, à l’époque des faits, prohibée par les dispositions de l’article 22-2 de la loi du 6 juillet 1989 dans sa rédaction antérieure à la loi du 24 mars 2014, celui-ci disposant notamment : « En préalable à l’établissement du contrat de location, le bailleur ne peut demander au candidat à la location de produire les documents suivants :
(…)
-chèque de réservation de logement ».
Delphine VISSOL
Vivaldi-Avocats