Sureté et SCI : nullité absolue pour la garantie donnée en dehors de l’objet social.

Jacques-Eric MARTINOT
Jacques-Eric MARTINOT - Avocat

 

Source :Cass.Civ1., 18 octobre 2017, n° 16-17184, n° 1100 FS-P + B

 

I – Les faits.

 

Une personne physique, associée d’une SCI, souscrit un prêt en son nom auprès d’un tiers. En garantie de ce prêt, la SCI dont il est associé, et après avoir recueilli l’aval des associés au cours d’une assemblée générale, s’est portée garante par affectation hypothécaire de l’immeuble dont elle était propriétaire.

 

Il s’agissait donc d’une sûreté réelle au profit du prêteur.

 

Bien évidemment, la défaillance de l’emprunteur provoquera la recherche de la caution hypothécaire.

 

En réponse, la SCI assignera le prêteur en annulation de la sûreté.

 

II – La procédure.

 

La cour d’appel de Bordeaux déclarera l’action prescrite en précisant que l’acte de cautionnement n’entrait pas dans l’objet social de la SCI. Il y a donc un vice affectant le cautionnement qui résulte non pas d’une éventuelle irrégularité de la décision de l’assemblée générale, mais dans l’absence de conformité avec l’objet social.

 

La Cour ajoute que la prescription ne serait pas une prescription triennale répondant aux dispositions de l’article 1844-14 du Code civil, mais une prescription quinquennale de droit commun fondée sur l’article 1304 du même Code en ce qu’elle se fonde sur l’erreur quant au caractère et à la portée du cautionnement souscrit.

 

La nullité est donc relative, car elle vise à protéger les intérêts de la SCI.

 

La Cour de cassation sanctionnera le raisonnement de la Cour d’appel en précisant qu’«  alors que l’action en nullité de la caution hypothécaire souscrite le 7 février 2005, qui avait été engagée le 4 juin 2012, était soumise à la prescription trentenaire, réduite à cinq ans par la loi du 17 juin 2008, laquelle n’était pas acquise au jour de l’entrée en vigueur de cette loi, de sorte que l’action n’était pas prescrite à la date de l’introduction de l’instance, la cour d’appel a violé les textes susvisé ; »

 

SI la Cour rend un attendu portant sur la prescription et vient préciser le régime applicable, l’arrêt a un tout autre intérêt, celui de l’application du régime juridique à une sûreté consentie en dehors de l’objet social de la SCI.

 

III – Ce qu’il faut retenir.

 

Avant toute chose, et pour revenir à l’essentiel, il est nécessaire de rappeler que l’objet social d’une société est généralement évoqué de manière succincte, limitative.

 

La jurisprudence a ainsi été amenée à maintes reprises à se positionner sur le rattachement d’une sûreté à l’objet social notamment par :

 

– La communauté d’intérêts entre le garant et le débiteur ;

 

– Du consentement unanime des associés de la société pour la constitution de la garantie ;

 

Ces critères largement débattus par la Cour ont toujours trouvé un rattachement qui était la non-contrariété à l’intérêt de la société.

 

Plus largement, la Société ne doit pas se mettre en péril par l’octroi d’une garantie qui représenterait son entier patrimoine sans qu’une contrepartie lui soit offerte.[1]

 

C’est exactement l’objet de l’arrêt.

 

Au-delà de son arrêt, la Cour retient le principe d’une nullité absolue pour la garantie octroyée par la SCI à la dette d’un associé, non conforme à l’objet social.

 

En effet, non conforme à l’objet social, la garantie elle-même est de ce fait atteinte d’un vice et non la décision de l’assemblée générale l’ayant autorisée.

 

Cependant, la sûreté accordée par une SCI en garantie des dettes d’un associé n’est pas contraire à l’intérêt social si elle a permis à la SCI d’acquérir des immeubles et d’en percevoir les loyers.[2]

 

Pour mémoire, la nullité relative vise à protéger un intérêt personnel contrairement à la nullité absolue qui protège l’intérêt général.

 

En d’autres termes, la nullité relative ne peut être demandée que par les personnes spécifiquement désignées par la loi alors que la nullité absolue peut être demandée par toute personne.

 

Aussi bien, la nullité relative pourra être couverte ce qui ne sera pas le cas pour la nullité absolue.[3]

 

Cette décision reçoit une large publication pour une raison évidente, elle peut être transposée aux autres sociétés de personnes !

 

On notera que pour les SARL et les sociétés par actions ont déjà reçu interdiction de cautionner les engagements des associés envers les tiers.[4]

 

Jacques-Eric MARTINOT

Vivaldi Avocats


[1] Cass. com., 26 juin 2007, n° 06-10.766 ; Cass. com., 13 nov. 2007, n° 06-15.826 ; Cass. com., 8 nov. 2011, n° 10-24.438 ; Cass. com., 13 déc. 2011, n° 10-26.968 ; Cass. 3e civ., 12 sept. 2012, n° 11-17.948 ; Cass. com., 23 sept. 2014, n° 13-17.347

[2] Cass.com., 2 novembre 2016, n°16-10363

[3] Article 1179 du Code civil

[4] C. com. art. L 223-21L 225-43L 225-91L 226-10  et L 227-12

 

 

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