Conséquence d’une clause imposant au preneur de délivrer congé un an à l’avance par LRAR.

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

  

SOURCE : 3ème civ, 18 juin 2013, n°12-20241, F-D

 

Aux termes de l’article L145-9 du Code de commerce, le congé doit être donné au moins six mois à l’avance pour le terme contractuel et, au cours de la tacite prolongation, au moins six moins à l’avance pour le dernier jour du trimestre civil. Quant à la période intermédiaire, c’est-à-dire celle située entre le sixième mois et le terme contractuel, bien que le texte ne soit pas explicite, la logique nous amène à penser que le congé doit également être donné six mois à l’avance pour l’un des termes civils qui suivra la fin du bail.

 

Cette durée constitue toutefois un minimum, conformément aux dispositions du texte. En conséquence :

 

  Le bailleur, et réciproquement le preneur, sont libres de donner congé plus de six mois à l’avance[1]. Mais lorsque le congé est donné trop, l’acte peut apparaître suspect et remis en cause[2] ;

  Les parties ont la possibilité d’augmenter conventionnellement la durée du préavis à respecter[3], l’article L145-9 du code de commerce, n’étant pas visé par l’article L145-15 du code de commerce, qui répute nuls certaines clauses, stipulations ou arrangement.

 

Puisqu’une augmentation conventionnelle de la durée du préavis est possible, tout congé donné sans respecter ce délai ne produit aucun effet à la date indiqué dans le congé : La Cour de cassation considère en effet que l’effet du congé est reporté à la date d’échéance suivante[4]. Cette décision, rendue sur le fondement de la résiliation triennale (L145-4 ccom.), devrait s’appliquer au congé signifié conformément à l’article L145-9, les congés étant délivrés dans les mêmes formes et délais.

 

Il résulte de ce qui précède que le congé délivré sans respecter le délai d’un an stipulé au contrat, ne peut recevoir aucun effet à la date pour laquelle il a été délivré. C’est ce que rappelle la Cour de cassation dans cet arrêt du 18 juin 2013, non publié au bulletin.

 

En l’espèce, un bail de 10 ans, conclu le 1er mars 2000, contenait une stipulation selon laquelle congé pouvait être donné à chaque période triennale par LRAR en respectant un délai de préavis de 1 an.

 

Conformément au bail, le preneur notifie un congé le 26 janvier 2009 pour le 28 février 2010, date de fin du contrat, puis, à l’analyse de la jurisprudence ou informé par son bailleur (l’arrêt est taisant sur ce point) de la nullité d’une telle forme de résiliation, signifie un congé par actes des 22, 23, 24 29 et 30 juin 2009.

 

Ses bailleurs l’ont assigné en nullité du congé délivré par LRAR, et condamnation à leur payer les loyers échus depuis mars 2010.

 

La Cour d’appel de Poitiers relève la nullité du congé délivré le 26 janvier 2009, mais constate que le Preneur avait valablement signifié congé ultérieurement. Elle considère que les bailleurs « ne pouvaient se réfugier derrière les dispositions contractuelles contraires aux dispositions d’ordre public en matière de congé. » En d’autres termes, la Cour d’appel considérait la clause imposant le respect d’un préavis plus long comme nulle.

 

Son arrêt est cassé par la Chambre commerciale, qui rappelle ainsi la jurisprudence.

 

Il est surprenant que les parties aient souhaité remettre en cause cette clause du bail, qui avait peu de chance d’être avalisée par la Cour de cassation, alors que d’autres moyens leur étaient envisageables :

 

  La clause contractuelle visait la résiliation triennale, et non le congé signifié à l’expiration de la durée contractuelle, de sorte qu’elle n’avait pas à s’appliquer à la situation (d’ailleurs cette clause contractuelle, en visant la résiliation triennale, est nulle comme contrevenant aux dispositions de l’article L145-15 du code de commerce, qui répute non écrites toutes clauses faisant échec aux dispositions de l’article L145-4 du code de commerce, c’est-à-dire la résiliation triennale dans les formes et délais de l’article L145-9 !) ;

 

  La clause contractuelle, en stipulant que le congé devait être donné par LRAR, est nulle, entrainant avec elle la nullité de l’ensemble de ses stipulations, en ce compris la stipulation relative au délai de préavis d’1 an[5].

 

En toutes hypothèses, il résulte de ce qui précède que seuls les loyers de la période comprise entre le 1er mars et le 1et juillet 2009 pouvaient être appelés par le bailleur, la signification du congé, intervenue le 30 juin 2008, mettant un terme au bail au 30 juin 2009.

 

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats



[1] 3ème civ., 8 juin 1988, n° 87-10719 : validité du congé donné 33 mois à l’avance ; 3ème civ., 9 nov. 1981, n° 80-12972, Bull. civ. III, n° 181, Rev. loyers 1982, p. 26 : validité d’un congé donné 3 ans à l’avance ; 3ème civ., 20 déc. 1995, n° 93-15305, Bull. civ. III, no 263, Loyers et copr. 1996, no 213 : validité de principe d’un congé donné 5 ans à l’avance ;

[2] 3ème civ, 13 janvier 2004, n°06-20831 pour un congé donné 7 ans à l’avance ; CA Paris, 16e ch., sect. A, 11 mars 2009, RG : 08/00497, Mme Khédidja Bouazza c/ SA Setuth, Loyers et copr. 2009, comm. N° 175, note P.-H. Brault, AJDI 2009, p. 790 : validation d’un congé donné 7 ans à l’avance mais motivation de la Cour sur la bonne foi du Bailleur

[3] 3ème civ, 10 mai 2001,n°99-14539, JCP E 2001 p1093 obs Monéger ; 3ème civ, 9 mars 2004, n°02-21380

[4] Com, 25 janvier 1961, Publié au Bulletin n°51, Ann Loy 1961-678

[5] En ce sens : 3ème civ, 12 juin 1974, n°73-11262, publié au Bulletin

 

 

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