L’impartialité des membres d’une autorité administrative indépendante

Harald MIQUET
Harald MIQUET

 

Source : CE 18 juill. 2018, req. n° 411345

 

« La santé n’est pas la première préoccupation des médecins » (2014) ; « Le médecin traitant ne sert à rien, c’est un péage ! » (2013) ;

 

« Les médecins ont eu une dotation financière pour leur équipement électronique. Ils en ont manifestement fait autre chose : acheter des sacs à main à leur épouse ou des Playmobil pour leurs enfants » (2011). »

 

Dans ses conclusions, le Rapporteur Public de l’affaire commentée rappelle non sans humour, les saillies verbales qui ont valu à son auteur une précédente condamnation en dommages et intérêts en faveur de la Confédération des Syndicats Médicaux Français et un recours contre sa nomination au sein de la Haute Autorité de Santé.

 

C’est en effet par une requête enregistrée le 8 juin 2017 que la Fédération des Médecins de France (FMF) a demandé au Conseil d’Etat d’annuler, pour excès de pouvoir, le décret du 7 avril 2017 portant nomination du Président et des membres du Collège de la Haute Autorité de Santé en tant qu’il nomme M. B…A…membre de ce Collège.

 

Plusieurs moyens sont soulevés par la Fédération requérante. Nous écarterons l’étude de celui relatif en légalité externe du contreseing ministériel pour évoquer ceux plus instructifs en matière d’indépendance et d’impartialité.

 

En matière d’indépendance, il est d’abord soutenu que la nomination contrevient aux dispositions de l’article de la loi du 20 janvier 2017 qui prévoient que les membres des autorités indépendantes « ne prennent, à titre personnel, aucune position publique préjudiciable au bon fonctionnement de l’autorité à laquelle ils appartiennent »,

 

Faisant application d’un contrôle normal, la juridiction relève en l’espèce que :

 

« Il ne résulte pas de la seule circonstance que M. A…a exprimé en sa qualité de représentant d’une association de patients, quelques années avant sa nomination comme membre du Collège de la Haute Autorité de Santé par le décret attaqué, des positions pouvant être perçues comme hostiles aux médecins généralistes exerçant à titre libéral, que sa nomination pourrait être regardée comme contraire au principe d’impartialité. »

 

La juridiction a, en un sens, suivi son rapporteur, lequel avait relevé que bien que ces prises de positions envers les médecins étaient insultantes, il convenait de relativiser en tant que prononcées à l’occasion de fonctions précédentes et en notant que ces déclarations ne pouvaient constituer un pré jugement au sein de l’activité de cette autorité.

 

Par ailleurs, la Fédération requérante faisait grief à la nomination en ce que l’intéressé, peu de temps avant sa nomination ou à la date de celle-ci, disposait d’intérêts privés au sein d’une fondation d’entreprise créée par un laboratoire pharmaceutique entrant dans le champ des compétences de la Haute Autorité de Santé.

 

Le Conseil d’Etat, à l’instar d’une jurisprudence précédente, considère comme opérant le moyen en droit mais relève qu’« il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des procès-verbaux du comité de validation de l’analyse des déclarations d’intérêts produits par la Haute Autorité de Santé, que M. A… serait de façon systématique, du fait de cette obligation de déport, dans l’impossibilité de participer aux travaux du Collège de la Haute Autorité de Santé. »

 

En d’autres termes, l’obligation de déclaration d’intérêt préalable des membres d’une autorité administrative indépendante engage leur auteur à ne pas participer aux débats lorsque ces autorités statuent sur des questions susceptibles de mettre en cause ces intérêts.

 

Ainsi, faisant l’inventaire des activités de la Haute Autorité, le Conseil d’Etat a jugé que M. A ne serait pas de façon systématique obligé de se déporter.

 

En cela on retrouve l’application conforme d’une jurisprudence précédente, CE3 octobre 2011, Comité de recherche et d’information indépendante sur le génie génétique et S…, n°328326,

 

Harald Miquet

Vivaldi Avocats

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