Source : Projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, Ass. Nat. 1088
Le projet de loi relatif au plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), adopté le 9 octobre 2018 en première instance par l’Assemblée nationale, ambitionne dans sa généralité à « donner aux entreprises les moyens d’innover, de se transformer, de grandir et de créer des emplois ». Le projet actuel décliné en 74 articles n’échappe pas à une certaine disparité.
En matière sociale et environnementale, il y a lieu de s’attarder sur les dispositions de l’article 61 et s. du projet de loi qui marque l’intégration « des enjeux sociaux et environnementaux de l’activité » comme composante de l’intérêt social de la société.
Cette exigence intègre donc le corpus normatif civiliste et commercial aux visas de l’article 1833 du code civil complété par un alinéa ainsi rédigé : « La société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité » ; ainsi que de l’article L. 225-35 du code de commerce pour lequel la société détermine les orientations de l’activité de la société et veille à leur mise en œuvre « conformément à son intérêt social et en prenant en considération ses enjeux sociaux et environnementaux » ;
Le législateur vient donc inscrire deux vecteurs directeurs à l’activité sociale de la société, offrant la faculté pour les entrepreneurs qui l’ambitionnent de consacrer dans les statuts de l’entreprise, la notion d’intérêt social, consécration et relais de la notion jurisprudentielle d’intérêt social, dans le cadre de certains contentieux (comme celui de l’abus de bien social ou de l’abus de majorité par exemple).
On sait que cette notion est d’abord à géométrie variable, en fonction du secteur de l’activité et de l’environnement de chaque société. L’adoption du texte s’inscrit dans cette logique puisque le projet d’article ne propose pas de définition rigide assortie de critères, mais consacre la notion législative d’intérêt social en considération des enjeux sociaux et environnementaux ».
Reste que cette consécration législative, si adoptée en l’état, se situerait davantage dans le registre de l’obligation de moyen que de résultat. En ce sens, l’exposé des motifs introductifs du projet de loi situe l’esprit de cette obligation :
« La mention des enjeux sociaux et environnementaux permet de préciser que tout dirigeant devrait s’interroger sur ces enjeux et les considérer avec attention, dans l’intérêt de la société, à l’occasion de ses décisions de gestion. Si l’intérêt social correspond ainsi à l’horizon de gestion d’un dirigeant, la considération de ces enjeux apparait comme des moyens lui permettant d’estimer les conséquences sociales et environnementales de ses décisions. Par conséquent, un éventuel dommage social ou environnemental ne pourra pas prouver, à lui seul, l’inobservation de cette obligation. »
En outre, la conduite des activités de la société conforme à un intérêt environnemental et social supposerait la mise en œuvre de moyens et réflexions mis à la charge des conseils d’administration et les directoires dans les sociétés anonymes et les gérants des sociétés en commandites par actions, comme le demanderait le nouvel article 1833 du Code civil.
Retenons l’essentiel, l’ancrage législatif de la notion crée un boulevard au renforcement à venir de ces notions, en jurisprudence.
Harald MIQUET
Vivaldi Avocats