Rémunération du président de SAS : convention réglementée ou pas ?

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

 

SOURCE : Cour d’Appel de BASTIA, Chambre Civile du 24 juillet 2013 n° 11/00755.

 

Le caractère de convention réglementée ou pas de la rémunération des dirigeants de société est une question récurrente sur laquelle semble toujours planer une certaine incertitude.

 

Pourtant, il suffit d’admettre que la réponse à cette question dépend de la forme juridique de la société concernée.

 

Ainsi, en matière de SARL, aux termes d’une longue période d’incertitude, la Cour de Cassation a décidé, dans un Arrêt du 04 mai 2010 n° 09-13.205, que la détermination de la rémunération du gérant par l’Assemblée des associés n’est pas une convention réglementée, et qu’en conséquence le gérant peut très bien prendre part aux votes le concernant pour autant qu’il soit associé, ceci même s’il est majoritaire (Cass. Com. du 04 octobre 2011 n° 10-23.398).

 

Par ailleurs, pour ce qui concerne la rémunération du président, du directeur général ou d’un directeur général délégué de société anonyme, sa fixation n’est pas soumise à la procédure de contrôle des conventions réglementées dans la mesure où elle est déterminée par le Conseil d’Administration ou le Conseil de Surveillance, si bien qu’elle revêt alors un caractère institutionnel.

 

Dans les SAS, où une grande liberté contractuelle est laissée aux associés dans les modalités d’organisation et de fonctionnement de la société, la réponse à cette question est un peu plus nuancée.

 

En effet, l’attribution d’une rémunération au président ou au directeur général d’une SAS est de nature purement contractuelle, de sorte qu’elle devrait donc s’analyser en une convention soumise à contrôle, étant précisé toutefois qu’en matière de SAS le contrôle est exercé à postériori par les associés.

 

Toutefois, le présent Arrêt de la Cour d’Appel de BASTIA vient nuancer cette position.

 

Dans une espèce où une SAS comportait 2 associés personnes morales, l’une majoritaire, l’autre minoritaire, étant précisé que le dirigeant de l’associé majoritaire était le président de la SAS, à la suite de la fixation de la rémunération du président dans le cadre d’une Assemblée Générale Ordinaire prise conformément aux dispositions statutaires, l’associé minoritaire va saisir la justice demandant l’annulation de la rémunération ainsi fixée.

 

A l’appui de sa demande d’annulation de la résolution litigieuse, l’associé minoritaire fait valoir tout d’abord que la rémunération du président de SAS n’a pas été soumise à la procédure de contrôle des conventions réglementées visées à l’article L 227-10 du Code de Commerce et qu’en outre le vote de cette résolution constitue un abus de majorité.

 

Mais la Cour d’Appel de BASTIA, confirmant le Jugement du Tribunal de Commerce d’AJACCIO, considérant d’une part que l’attribution d’une rémunération des dirigeants d’une SAS est de nature purement contractuelle et que dès lors il convient de s’en rapporter aux statuts de la société, et constatant qu’en l’espèce, les statuts prévoyaient en leur article 17 que la rémunération du président était fixée par décision collective des associés prise à la majorité, de sorte que la Cour en déduit que les dispositions de l’article L 227-10 du Code de Commerce n’avaient à s’appliquer qu’en l’absence de dispositions relatives à cette question dans les statuts de la société, lesquels valent convention entre les actionnaires, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

 

Par ailleurs, la Cour relève également que l’abus de majorité, qui permet à la majorité des votants d’obtenir des décisions contraires aux intérêts sociaux ou de nature à les favoriser au détriment des minoritaires, n’est pas établi en l’espèce dans la mesure où cette rémunération n’était ni excessive eu égard au montant des chiffres d’affaires et résultats réalisés par la société, ni contraire à l’intérêt social.

 

Par suite, la Cour d’Appel confirme en tous points le Jugement du Tribunal de Commerce d’AJACCIO.

 

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

 

Print Friendly, PDF & Email
Partager cet article