Condition de validité d’une clause attributive de compétence territoriale

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

SOURCE : 2e civ. 7 juin 2012 n° 11-13.105 Inédit

 

Aux termes de l’article 48 du Nouveau Code de procédure civile :

« Toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée. »

Le litige soumis à l’appréciation des juges du fond concernait des parties ayant toutes la qualité de commerçant, et se portait sur la forme de la clause, qu’une des parties considérait comme inefficace, au motif qu’elle n’aurait pas été rédigée de manière suffisamment apparente.

 

La Cour d’appel de Colmar, par un arrêt du 30 novembre 2010, a relevé que

 

« l’original du contrat de location comporte, au recto et en assez petits caractères sous un titre de chapitre de couleur bleue “Loi applicable – juridiction” la stipulation que le contrat est soumis au droit français, et que tous différends relatifs à sa formation, sa validité, son interprétation et son exécution sont de la compétence exclusive des tribunaux de Strasbourg, et au bas du verso reproduisant les conditions générales en caractères si fins et si pâles qu’ils sont très difficilement lisibles, un article 24, en caractères légèrement moins ténus, reprenant la clause attributive de compétence »,

 

pour en déduire « qu’elle ne pouvait pas considérer, au vu du document produit, que la clause litigieuse était spécifiée de façon très apparente ».

 

Sans surprise, le pourvoi formé contre cet arrêt est rejeté, la Cour de cassation ne sanctionnant que très rarement l’appréciation souveraine des juges du fond pour manque de base légale.

 

C’est donc à la l’analyse des arrêts de Cour d’appel qu’une ligne de conduite peut être tracée pour qu’une rédaction de clause attributive de compétence territoriale soit considérée comme suffisamment claire au regard des dispositions de l’article 48 du Nouveau Code de procédure civile.

 

La Cour d’appel de Paris considère non écrite la clause, figurant au verso de factures, rédigée en petits caractères difficilement lisibles et noyée dans un article à l’intitulé général « Autres conditions », suivie par une clause d’arbitrage[1] ; mais elle considère valable :

 

– la clause des conditions générales commençant au recto et se terminant au verso, cette clause étant composée de caractères gras tranchant sur le reste du texte, et que ces conditions générales sont signées au recto[2],

 

– la clause, qui n’est pas écrite en caractères particulièrement apparents, mais qui figure tant au recto qu’au verso du connaissement[3].

 

La Cour d’appel d’Aix en Provence a sanctionné la clause imprimée verticalement sur le bord gauche et en petits caractères, figurant sur des factures[4], ou encore la clause figurant dans des conditions générales de vente, au verso d’un imprimé qui n’a été signé qu’au recto, en petits caractères d’imprimerie à la fin d’un texte copieux et serré[5].

 

La Cour d’appel d’Orléans a considéré non conforme aux exigences de l’article 48 du NCPC la clause des conditions générales du contrat, rédigée en caractères minuscules, voire peu lisibles comme l’ensemble des conditions générales et « noyé dans une page » sans éléments distinctifs permettant d’attirer l’attention du lecteur[6].

 

La Cour d’appel de Renne a également jugée non valable la clause  imprimée au verso non paraphé d’un bon de commande, dans un texte contenant les conditions générales de vente et comportant un grand nombre de lignes écrites en petits caractères avec des renvois[7].

 

Enfin, la Cour d’appel de Dijon  a validé une clause figurant au verso de bons de commande, (dont le recto comportait un renvoi), en caractère gras, de taille plus importante, d’une couleur plus soutenue et dans un encadré[8].

 

En synthèses de ces différentes décisions, qui n’ont aucune vocation à être exhaustive de la jurisprudence existante en la matière, la clause attributive de compétence territoriale, ou son indication de renvoi, pour être valable, doit figurer avant la signature du cocontractant, être reproduite en caractères de plus grande taille que le reste du document, incluse dans un article distinct intitulé « clause attributive de compétence territoriale », en gras, éventuellement coloré, voire encadré, de façon à attirer, de façon incontestable, l’attention du cocontractant.

 

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats 

 


[1] CA Paris, CH14, sect A, 5 mai 2004, n°2004/00182

[2] CA Paris, CH15, sect B, 8 février 2007, n°05/16277

[3] CA Paris, CH5, sect B, 27 juin 1980, sous Cass com, 30 mai 1983, n°80-15341

[4] CA Aix en P., 27 juin 1979, sous Cass com, 16 novembre 1983, n°79-17031

[5] CA Aix en P., 22 janvier 1992, D1993, 26, note Beignier

[6] CA Orléan, CH Com, 11 octobre 2007, n°07/01782

[7] CA Rennes, 20 juin 1978, sous 2ème civ, 20 février 1980, n°78-14437

[8] CA Dijon, 22 février 2007, n°06/01067

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