Source : CA PARIS, 15 octobre 2015, n°15/03558, ch.5-9.
L’un des premiers points qu’un mandataire judiciaire vérifiera dans les comptes sociaux qui lui seront remis par une société nouvelle placée en procédure collective, est l’existence éventuelle d’un capital social non libéré.
En effet, l’ordonnance du 12 mars 2014 a créé un nouvel article L624-20 dans le Code de Commerce, qui dispose : « Le jugement d’ouverture rend immédiatement exigible le montant non libéré du capital social »
Tel était le cas dans le cas d’espèce, où le capital n’était donc pas intégralement libéré. Le mandataire en avait donc sollicité le paiement à un associé.
Celui, en retour, a soutenu être titulaire d’une créance sur la société, sous forme d’un compte courant d’associé créditeur, d’un montant supérieur à la quote part de capital non libéré. Et il invoquait le fait qu’une compensation avait joué antérieurement à l’ouverture de la procédure collective, entre sa créance et sa dette.
L’intérêt de la décision est ici l’étude des conditions de la mise en œuvre de la compensation.
En l’espèce, c’est bien une compensation légale qui est retenue, c’est-à-dire la compensation de plein droit entre des créances et des dettes liquides et exigibles, conformément aux dispositions des articles 1290 et 1291 du Code Civil.
Et c’est précisément ce dernier point qu’il fallait vérifier : un capital social non libéré n’est exigible à l’égard de l’associé qu’une fois que la société à appelé la libération du solde du capital, d’une part, et la compensation légale ne peut plus jouer une fois la procédure collective ouverte.
De sorte que la Cour d’Appel s’est attachée à vérifier que la société avait bien appelé la libération du capital social avant l’ouverture de la procédure collective, et que dès lors la compensation légale avait bien joué.
Si tel n’avait pas été le cas, l’associé n’aurait eu d’autre choix que de déclarer sa créance de compte courant d’associé, à son montant initial, et de régler par ailleurs, en dépit de l’existence de sa créance, la quote part de capital social non libéré.
Par ailleurs, la jurisprudence considère de manière constante que la compensation judiciaire ne peut être prononcée par le juge entre une créance de compte courant et une dette de capital social non libéré, faute de connexité entre les deux[1].
Reste une question s’agissant de ce cas d’espèce : la compensation avait-elle joué (c’est-à-dire la libération du solde du capital avait-elle été appelée) antérieurement ou postérieurement à la date de cessation des paiements ? C’est-à-dire en période suspecte ? Auquel cas cette compensation pourrait encourir la nullité, sur le fondement des nullités de la période suspecte, pour le cas où l’associé, peut-être éventuellement également dirigeant, aurait eu connaissance de l’état de cessation des paiements.
Etienne CHARBONNEL
Vivaldi-Avocats
[1] Voir notamment à ce sujet notre article : La compensation pour dettes connexes en procédure collective.