Effet réel de la procédure collective : quid de la répartition du prix de vente d’un immeuble lorsque les deux époux sont chacun en procédure collective

Etienne CHARBONNEL
Etienne CHARBONNEL - Avocat associé

 

Source : Cass.Com. 26 janvier 2016, n°14-13.851, FS-P+B

 

La Cour de Cassation avait rendu en 2010 un arrêt très commenté[1], en utilisant pour la première fois la notion d’ « effet réel de la procédure collective », en référence vraisemblablement à la thèse de Marc Sénéchal publiée au début des années 2000.

 

Ce dernier avait défini cet effet réel comme « l’effet de saisie des biens du débiteur par la collectivité de ses créanciers représentée par le mandataire justice ».

 

Utilisant cette notion, la Cour de Cassation avait alors posé la solution selon laquelle, lorsque deux époux communs en biens étaient tous deux en procédure collective, la première procédure ouverte avait appréhendé, dès l’ouverture, l’intégralité du patrimoine commun du couple, et devait percevoir seul le prix de vente de l’immeuble pourtant commun.

 

Les règles procédurales qui en découlaient avaient été précisées, et notamment la compétence du seul juge-commissaire de la première procédure, pour autoriser la vente.

 

L’arrêt ici commenté concerne une situation semblable, où l’époux a fait l’objet d’une liquidation judiciaire en 1990 et l’épouse en 1991.

 

C’est donc le juge-commissaire, conformément à la jurisprudence précitée, qui était seul compétent quant au sort de l’immeuble.

 

Pourtant, c’est ici le second juge-commissaire qui autorise la vente, dont l’ordonnance n’est pas contestée par le liquidateur de la première procédure (contrairement à l’arrêt de 2010).

 

Ce dernier n’intervient que plus tardivement lorsqu’il s’est agi de percevoir le prix de vente. Le liquidateur de la première procédure introduit alors une procédure pour appréhender la totalité du prix de cession, et non simplement la moitié, comme posé dans l’ordonnance du juge-commissaire (définitive) et l’acte notarié de cession.

 

La Cour d’Appel le déboute, estimant qu’il aurait dû contester l’ordonnance du juge-commissaire en son temps.

 

La Cour de Cassation casse l’arrêt, estimant que l’ordonnance du juge-commissaire de la seconde procédure n’était pas opposable au liquidateur de la première, de sorte que la demande de ce dernier tendant, en conformité avec l’effet réel de la procédure collective, à percevoir la totalité du prix, n’était pas irrecevable.

 

La Cour de Cassation règle également un deuxième problème : la question de l’acte notarié de vente, qui prévoyait une répartition du prix par moitié, que le liquidateur de la première procédure avait signé.

 

La Cour juge que la clause, contraire à une disposition d’ordre public, était illicite et de nul effet.

 

La solution pragmatique et équilibrée (voire égalitaire) retenue par les juges du fond est donc ici écartée par la Cour de Cassation, qui ne retient qu’une solution juridiquement plus conforme.

 

Etienne CHARBONNEL

Vivaldi-Avocats


[1] Cass.Com. 16 mars 2010, n°08-13.147, FS-P+B

 

 

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