SOURCE : Cour de Cassation, Chambre commerciale, 2 février 2022 – N°20.15.290
I – La vente d’un fonds de commerce est régie par le Code de commerce, aux articles L141-1 et suivants.
L’article 141-5 notamment, par le biais des dispositions relatives au privilège du vendeur, liste implicitement les éléments dits essentiels du fonds de commerce. Le texte prévoit en effet qu’à « défaut de désignation précise » le privilège du vendeur ne porte que sur : l’enseigne, le nom commercial, le droit au bail, la clientèle et l’achalandage.
La jurisprudence[1] est depuis de nombreuses années intervenue pour considérer qu’il appartient aux juges du fonds d’apprécier, d’après les éléments désignés par la convention, si ceux que les parties ont compris dans leurs opérations, sont ou non des éléments essentiels sans lesquels le fonds ne saurait exister.
L’enjeu ici est qu’il n’existe aucun texte qui ne définisse strictement la composition d’un fonds de commerce.
Parallèlement, se pose la question de la transmission des engagements offerts par les anciens propriétaires du fonds de commerce. Précisément, est-ce que la garantie décennale en faveur des clients après l’exécution d’une prestation doit-être reprise par l’acquéreur du fonds de commerce, ou demeure-t-elle à la charge du vendeur ?
L’hypothèse peut être dûment organisée, et reprise dans l’acte de cession, mais à défaut, sur qui repose l’engagement pris par le vendeur ?
C’est dans ce contexte qu’intervient l’arrêt étudié.
II – Une société, mise en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire, vend son fonds de commerce.
La problématique apparait lorsque, a posterori, un de ses anciens clients, mécontent des prestations exécutées (fabrication et pose d’un portail), fait délivrer une assignation à l’acquéreur du fonds de commerce, pour obtenir le replacement du matériel défectueux et l’indemnisation de son préjudice. Il invoque en effet un manquement à l’obligation de conseil, et recherche la responsabilité contractuelle de son fournisseur pour le portail litigieux.
L’acquéreur s’opposant fermement à sa mise en cause indique : « qu’en l’absence de clause expresse, la vente d’un fonds de commerce n’emporte pas de plein droit cession à la charge de l’acheteur du passif des obligations dont le vendeur peut être tenu en raison des engagements souscrits par lui ».
Débouté par les juges du fonds, celui-ci se pourvoit en cassation.
Par application de la jurisprudence constante en la matière, les juges de la Haute Cour cassent l’arrêt d’appel, qui avait considéré que, comme l’acte de cession faisait mention « de la vente du fonds de commerce de fabrication, commercialisation, pose de menuiserie alu, PVC, tous articles de fermetures, volets roulants, et tous aménagements de la société », la cession du patrimoine affecté du Vendeur aurait engendré donc directement son transfert de propriété dans celui de l’acquéreur.
« Il s’ensuit, que la cession du patrimoine affecté à (VENDEUR) a entraîné son transfert de propriété dans le patrimoine de (L’ACQUEREUR) ».
Pour autant, il n’est pas relevé par les juges d’appel, que le contrat de cession prévoyait expressément le transfert à l’acquéreur, des obligations de garantie dont la société vendeuse pouvait être tenue en vertu d’engagements initialement souscrits par elle. C’est pourtant ce qu’ils auraient dû invoquer pour débouter l’acquéreur à juste titre !
La cassation était donc inévitable.
En effet, en se fondant notamment sur l’article L141-5 du Code de commerce, l’arrêt de la Cour de cassation, qui s’inscrit dans le prolongement de ses précédents arrêts, rappelle que :
« Il résulte de ce texte qu’en l’absence de clause expresse, la vente d’un fonds de commerce n’emporte pas de plein droit la cession à la charge de l’acquéreur du passif des obligations dont le vendeur pouvait être tenu en vertu d’engagements initialement souscrits par lui ».
Les juges du Quai de l’Horloge n’ont pas opéré de revirement, et ont continué d’appliquer strictement l’interprétation issue de leur décision, qui a eu l’honneur de la publication au Bulletin en 2005[2], reprise dans les titrages et résumés de l’arrêt en ces termes :
« En l’absence de clause expresse, la vente d’un fonds de commerce n’emporte pas de plein droit, cession à la charge de l’acheteur du passif des obligations dont le vendeur pourra être tenu en raison des engagements initialement souscrits par lui. »
Le droit prétorien, faisant application des textes en vigueur, considérait déjà, en vertu des dispositions des articles 1134 ancien et 1165 ancien du Code civil, qu’en l’absence de clause expresse, la cession d’un fonds de commerce n’emporte pas de plein droit, la cession à la charge de l’acquéreur du passif des obligations dont le vendeur pouvait être tenu, compte tenu des engagements qu’il auquel il a lui-même souscrits. Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, il n’y a donc, pas lieu pour les juges d’étendre ce qui a été prévu par les parties dans l’acte de cession.
[1] C.Civ, 10 juillet 1953.
[2] C.Cass, Civ 3, 7 décembre 2005, N°41.12.931. Publié au Bulletin
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