Cautionnement : le défaut d’information annuelle est imprescriptible

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

 

Source : Cass. com., 6 juin 2018, n°17-10.103, FS-P+B+I

 

I – Les faits 

 

Classiquement, une banque a consenti une ouverture de crédit en compte courant à une société, garantie par un cautionnement solidaire. La société débitrice principale ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a assigné la caution en exécution de son engagement. Celle-ci lui a opposé la déchéance du droit aux intérêts échus, pour manquement à son obligation d’information annuelle.

 

La cour d’appel déclare prescrite la déchéance des intérêts échus avant le 1er janvier 2009. Elle retient, en effet, que l’obligation d’information annuelle devant être satisfaite au 31 mars de chaque année, il convient de considérer que la réclamation au titre de la déchéance du droit aux intérêts est prescrite pour les années antérieures au 1er avril 2009, soit jusqu’en 2008 (le point de départ a été fixé en 2014).

 

II – L’arrêt de cassation

 

Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation censure l’arrêt au visa des articles 64 et 71 du Code de procédure civile et de l’article L. 313-22 du Code monétaire et financier. Présentée comme défense au fond, le défaut d’information annuelle de la caution n’est pas touché par la prescription quinquennale. L’arrêt est partiellement cassé.

 

III – Défense au fond et prescription

 

La Cour de cassation rappelait déjà en janvier 2018 que constitue aussi une défense au fond, qui échappe à la prescription, le moyen selon lequel l’engagement de caution d’une personne physique manifestement disproportionné à ses biens et revenus se trouve privé d’effet à l’égard du créancier professionnel[1].

 

Par l’invocation de la disproportion manifeste du cautionnement, ou du défaut à l’obligation annuelle d’information, il s’agissait pour le défendeur de faire rejeter sur le fond la prétention du demandeur. Il ne s’agissait pas de faire reconnaître la nullité, auquel cas la prétention du défendeur aurait constitué une demande reconventionnelle, mais simplement de paralyser la prétention invoquée par son adversaire.

 

Il n’est pas question dans ces espèces de la défense d’un droit, laquelle est soumise à une prescription, c’est-à-dire à une durée au-delà de laquelle l’action en justice devient irrecevable. La défense au fond ne visant pas à la reconnaissance d’un droit, elle échappe, par nature, à la prescription.

 

L’avantage pour le débiteur est de pouvoir remonter au début du contrat de prêt, là où les intérêts sont les plus importants.

 

Thomas LAILLER

Vivaldi-Avocats

 


[1] Cass. civ. 1ère, 31 janvier 2018, n°16-24.092, FS-P+B

 

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