Cautionnement disproportionné : le caractère averti de l’emprunteur, personne morale, s’apprécie en la personne de son représentant légal et non en celle de ses associés.

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

 

Source : Cass. com., 18 octobre 2017, n°15-27.133, n°15-27.798, n°15-27.840, n°15-29.442, FS-P + B

 

I – Les faits

 

Une banque a consenti à une société en nom collectif (SNC) un prêt destiné à financer l’acquisition, sous la forme d’une vente en l’état futur d’achèvement (VEFA), d’un complexe immobilier d’hôtellerie-thalassothérapie, garanti par une inscription d’hypothèque, des promesses de nantissement, ainsi que des engagements de caution solidaire souscrits par les associés.

 

La SNC étant défaillante, la société cessionnaire de la créance de la banque, après avoir notifié la déchéance du terme, a assigné la société débitrice, ainsi que les associés cautions, en exécution de leurs engagements. Les juges du fond condamnent les débiteurs en paiement.

 

Les associés forment alors un pourvoi au motif suivant : le prêteur de deniers tenu d’un devoir de mise en garde envers l’emprunteur profane doit, lorsque l’emprunteur est une SNC au sein de laquelle chaque associé est solidairement tenu des dettes sociales, mettre en œuvre cette obligation envers chaque associé assimilé à un coemprunteur. La qualité d’emprunteur averti ou profane doit alors s’apprécier in concreto pour chaque associé afin de s’assurer qu’ils avaient conscience des risques de l’opération.

 

II – Les arrêts de rejet

 

Sur ce point, la Chambre commerciale répond que  le caractère averti de l’emprunteur, personne morale, s’apprécie en la personne de son représentant légal et non en celle de ses associés, même si ces derniers sont tenus solidairement des dettes sociales. Et à ce titre, la Cour de cassation ajoute que la qualité d’un dirigeant, initiateur et concepteur du projet financé, ancien banquier, spécialiste en gestion de patrimoine et en optimisation fiscale, avait l’expérience et la compétence lui permettant d’appréhender pleinement les risques d’endettement attachés à l’opération, fût-elle complexe. C’est dans l’exercice de son pouvoir souverain que la cour d’appel a retenu que le dirigeant était une personne avertie, peu important à cet égard que ce dernier n’ait pas exercé ses compétences dans le domaine économique concernant le projet financé.

 

La Haute juridiction confirme par ailleurs que si un établissement de crédit est tenu d’une obligation de mise en garde envers un emprunteur averti, si, au moment de l’octroi du prêt, il possède, sur les revenus et le patrimoine de celui-ci, ou ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles, des informations que lui-même ignorait, il n’en demeure pas moins que, lorsque l’emprunteur est une société, seule celle-ci est créancière de cette obligation, et non ses associés.

 

Elle ajoute que l’obligation de mise en garde à laquelle peut être tenu un établissement de crédit à l’égard d’un emprunteur averti avant de lui consentir un prêt ne porte que sur l’inadaptation de celui-ci aux capacités financières de l’emprunteur et sur le risque de l’endettement qui résulte de son octroi et non sur l’opportunité ou les risques de l’opération financée.  

 

III –  Une solution qui n’est pas nouvelle

 

La Chambre commerciale avait déjà estimé qu’une société dont le gérant est considéré comme un averti, est elle-même une emprunteuse avertie ne pouvant soulever l’absence de mise en garde[1].La mise en garde n’est apprécié qu’au regard du risque d’endettement, non pas du risque de l’opération financée. Il s’agit, en pratique, de mettre en garde contre un risque de surendettement.

 

Thomas LAILLER

Vivaldi-Avocats

 


[1] Cass. com., 10 juillet 2012, n°11-10.548

 

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