SOURCE : Cass. Civ.2 ., 18 février 2016, n° 15-13.991. Arrêt n° 277 FS – P +B
Telle est la solution retenue par la Cour de Cassation dans trois arrêts rendus le 18 février 2016[1]
Dans ces trois affaires, se prévalant du non-remboursement d’un prêt constaté dans un acte notarié, et destiné à financer l’acquisition d’un bien immobilier, la banque a fait pratiquer une saisie-attribution au préjudice des emprunteurs qui l’ont contestée, puis, la banque a assigné ces derniers devant le Tribunal de Grande Instance pour les voir condamnés au paiement d’une certaine somme au titre du solde du prêt.
Les emprunteurs ont interjeté appel du jugement ayant :
Rejeté leur fin de non-recevoir tirée de la prescription ;
Déclaré valable l’acte authentique de prêt ;
Dit qu’il constituait un titre exécutoire autorisant la banque à procéder au recouvrement forcé de sa créance.
La Cour d’Appel infirme le jugement du Tribunal de Grande Instance et déclare irrecevable les demandes de la banque.
Dans sa motivation, Cour d’Appel après avoir relevé que le Tribunal a retenu que la validité de l’acte étant discutée, la banque disposait d’une action et d’un intérêt à agir aux fins de voir constater la validité de son titre ou, à défaut, d’obtenir un titre exécutoire et de liquider sa créance, retient que le caractère exécutoire de l’acte authentique a toutefois pour conséquence de rendre inutile l’obtention par le créancier d’un jugement condamnant les emprunteurs à lui rembourser sa créance.
La Cour d’Appel de poursuivre en énonçant que c’est uniquement dans l’hypothèse où la créance n’est pas liquide que le créancier peut intenter une action en liquidation devant la juridiction statuant au fond.
La Cour de conclure en indiquant qu’en saisissant la juridiction du fond, la banque n’avait aucun intérêt à agir, dés lors qu’elle est en droit de procéder par voie d’exécution forcée du titre qu’elle détient et qu’il appartient alors au débiteur de faire valoir ses contestations devant le juge de l’exécution, lequel dispose du pouvoir de les trancher, même si elles remettent en cause le principe du titre ou la validité des droits et obligations qu’il constate.
La Cour de Cassation censure la Cour d’Appel, considérant qu’aucun texte ni aucun principe ne fait obstacle à ce qu’une partie, disposant d’un acte authentique ayant force exécutoire, sollicite la condamnation du débiteur par le juge.
Subsidiairement la Haute Cour a admis que le créancier titulaire d’un acte authentique doit être en droit de saisir le juge pour obtenir la condamnation de son débiteur après avoir préalablement levé les obstacles élevés par ce dernier, tels que ceux touchant à la prescription ou au quantum de la dette conformément à l’article du code civil et 12 du code de procédure civile, ensemble l’article 6 §1[2] de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Voici ce qui a été juge :
« Qu’en statuant ainsi, alors que l’acte notarié, bien que constituant un titre exécutoire, ne revêt pas les attributs d’un jugement et qu’aucune disposition légale ne fait obstacle à ce qu’un créancier dispose de deux titres exécutoires pour la même créance, de sorte que la titularité d’un acte notarié n’était pas en soi de nature à priver la banque de son intérêt à agir à fin de condamnation de son débiteur en paiement de la créance constatée dans cet acte, la cour d’appel a violé les textes susvisés » (articles 31 du CPC, ensemble l’article 4 du Code Civil).
Geneviève FERRETTI
Vivaldi-Avocats
[1] Cass.civ .2, 18 février 2016 arrêts n°15-13.945 ; n°15-13.991 et n° 15-15.778
[2] Article 6 §1 CEDH : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la public »