Assurance emprunteur : les contrats d’assurance de groupe signés avant le 26 juillet 2014 ne bénéficient pas de la faculté de résiliation annuelle consacrée par la Loi HAMON…

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

 

Source : Cass. civ. 1ère, 24 mai 2017, n°15-27.127, FS-P+B+I

 

I – Les faits

 

En 2007 et 2010, un emprunteur a conclu avec une banque deux prêts immobiliers, garantis par un contrat d’assurance de groupe. En 2012, l’emprunteur a demandé à la banque de substituer au contrat d’assurance de groupe celui souscrit par lui auprès d’une autre société d’assurance. Face au refus de la banque, il a assigné cette dernière et l’assureur aux fins de constater la résiliation de son adhésion au contrat d’assurance de groupe, et de l’indemniser des conséquences du refus abusif de la banque.

 

Pour accueillir la dernière de ces demandes, la cour d’appel a énoncé que l’emprunteur pouvait, sur le fondement de l’article L.113-12 du Code des assurances, résilier son adhésion au contrat d’assurance de groupe, nonobstant le désaccord du prêteur. Banque et assurance ont formé un pourvoi en cassation contre cette décision.

 

II – L’arrêt de cassation

 

L’assurance emprunteur d’un crédit immobilier étant une assurance vie dite « mixte » (c’est-à-dire combinant une assurance-décès mais également un produit d’épargne), elle n’est régie toutefois que par le texte spécial de l’article L.312-9 du Code de la consommation, texte spécial applicable à l’espèce, et prévoyant notamment une faculté de résiliation par l’emprunteur du contrat d’assurance groupe souscrit en garantie d’un crédit immobilier, durant les douze premiers mois du contrat. Au-delà, la résiliation n’est plus possible. L’article L.113-12 du Code des assurances, prévoyant un droit de résiliation du contrat d’assurance par le souscripteur à la date anniversaire dudit contrat, est un texte général, qui n’a pas vocation à s’appliquer aux résiliations des contrats d’assurance groupe souscrits dans le cadre d’un crédit immobilier.

 

La Cour de cassation précise notamment que « le contrat étant souscrit pour la durée de l’emprunt, il ne comporte pas d’échéance annuelle. En l’état de ces textes, la reconnaissance, au bénéfice de l’emprunteur, d’une faculté de résiliation annuelle du contrat d’assurance conduirait, à défaut de l’accord du prêteur sur le nouveau contrat d’assurance offert en garantie, à la résiliation du contrat de prêt consenti sous la condition de l’octroi et du maintien d’une assurance agréée par le prêteur, une telle résiliation pouvant imposer à l’emprunteur de vendre l’immeuble financé afin de désintéresser le créancier. »

 

Elle complète : « À supposer même le maintien du contrat de prêt, sa nécessaire modification serait rendue incertaine en raison de l’absence de dispositions légales applicables au litige, régissant les effets d’une résiliation par l’emprunteur de son adhésion au contrat d’assurance de groupe. »

 

L’arrêt est donc cassé.

 

III – Quelle portée pour cet arrêt destiné à une large publicité ?

 

C’est déjà une réitération de la position adoptée par la Première Chambre civile de la Cour de cassation en 2016[1]. La faculté de résiliation annuelle de l’assurance emprunteur a été consacrée par loi n°2014-344 du 17 mars 2014, dite « Loi HAMON », et s’applique aux contrats souscrits à compter du 26 juillet 2014 (article 54 VI de la loi).

 

La loi n°2017-203 du 21 février 2017 est venue elle organiser cette résiliation, et la possibilité de substituer un contrat. L’article L. 313-30 du Code de la consommation inscrit désormais dans le marbre le principe de la résiliation annuelle du contrat d’assurance groupe, en application de l’article L.113-12 du Code des assurances, à charge pour l’emprunteur de le substituer par un contrat offrant des garanties équivalentes à la banque[2]. Cette disposition est applicable à toutes les offres de prêts émises à compter du 22 février 2017, et sera applicable à l’ensemble des contrats en cours à compter du 1er janvier 2018.

 

La Loi prendra donc le contrepied de la jurisprudence de la Cour de cassation, à compter du 1er janvier 2018. Selon les estimations du cabinet d’audit McKinsey, 63% des stocks d’assurances emprunteur seraient concernés par la réforme, soit entre 600 millions et 1,4 milliard d’euros de primes qui pourraient changer de mains à compter du 1er janvier 2018… laissant à penser que la concurrence va s’endurcir sur ce marché.

 

Thomas LAILLER

Vivaldi-Avocats

 


[1] Cass. civ. 1ère, 9 mars 2016, n°15-18.899, F-P+B+I

[2] Le Comité Consultatif du Secteur Financier (CCSF) a livré en 2015 une liste limitative de 14 garanties pouvant être exigées par les établissements financiers. Les banques ne doivent pas pouvoir en exiger plus de 11 par mai la liste.

 

 

 

 

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