Administrateur de biens en procédure collective

Kathia BEULQUE
Kathia BEULQUE - Avocat associée

 

SOURCE : Cass.Com., 18 janvier 2017, n°15-16.531

 

C’est ce que précise la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation, dans cette décision, publiée au bulletin, suivant une motivation reprise ci-après , avec rappel des moyens soulevés, important pour l’analyse de l’arrêt:

 

« …

 

Sur le premier et le second moyens, réunis :

 

Attendu, selon l’ordonnance attaquée (juge-commissaire du tribunal de commerce de Melun, 19 janvier 2015, n° 2014M03102), rendue en dernier ressort, que la société Agence thierrypontaine (l’agence), exploitant une agence immobilière et exerçant une activité d’administrateur de biens, a été mise en liquidation judiciaire le 19 novembre 2012, la SCP Angel-Hazane étant désignée liquidateur ; que Mme X…, propriétaire de locaux dont la gestion locative avait été confiée à l’agence, a déclaré une créance au passif de celle-ci au titre des loyers encaissés par elle en sa qualité de mandataire ; que la créance ayant été admise par le juge-commissaire le 23 janvier 2014, la société Les Souscripteurs du Lloyd’s (Les Souscripteurs du Lloyd’s), auprès de laquelle l’agence avait souscrit une garantie financière, a formé une réclamation contre l’état des créances ;

 

Attendu que Les Souscripteurs du Lloyd’s font grief à l’ordonnance de rejeter leur réclamation et de dire que l’admission de la créance au passif de l’agence ne les exonère pas de leur engagement contractuel de garant financier alors, selon le moyen :

 

1°/ que le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; qu’il ne peut retenir dans sa décision des éléments de fait et des moyens que les parties n’ont pas été à même de débattre contradictoirement ; qu’en fondant sa décision sur le fait que « l’entreprise SARL Agence thierrypontaine n’avait pas procédé au dépôt des fonds mandants reçus sur un compte spécifique dédié » alors qu’aucune des parties n’avait allégué, que ce soit dans leurs écritures respectives ou lors de l’audience de plaidoiries, que l’agence immobilière n’avait pas procédé au dépôt des fonds mandants reçus sur un compte spécifique dédié et en relevant d’office, sans solliciter l’observation préalable des parties, « que du fait de cette carence, les sommes entrées dans le patrimoine de l’entreprise SARL Agence thierrypontaine qui en est redevable », alors qu’aucune des parties n’avait soutenu que les sommes étaient entrées dans le patrimoine de l’agence immobilière, le juge-commissaire a violé les articles 7 et 16 du code de procédure civile ;

 

2°/ qu’en toute hypothèse, le mandant d’une agence immobilière en liquidation judiciaire n’a pas à déclarer sa créance de restitution résultant des dispositions de la loi du 2 janvier 1970 au passif de la procédure, celle-ci échappant par sa nature aux dispositions de la procédure collective obligeant les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d’ouverture à déclarer leurs créances au liquidateur ; qu’en l’espèce, il est constant que la société Agence thierrypontaine, exploitant une agence immobilière, a été mise en liquidation judiciaire le 19 novembre 2012, la SCP Angel-Hazane étant désignée liquidateur ; que Mme Denise X… a déclaré sa créance au passif de la SARL Agence thierrypontaine au titre des fonds détenus par elle en qualité de mandataire de cette dernière ; qu’après contestation de celle-ci par Les Souscripteurs du Lloyd’s, cette créance a été admise ; que pour admettre cette créance à titre chirographaire, le juge-commissaire retient, de façon toute péremptoire, « que l’entreprise SARL Agence thierrypontaine n’aurait pas procédé au dépôt des fonds mandants reçus sur un compte spécifique dédié » et que , « du fait de cette carence, les sommes versées par le créancier sont entrées dans le patrimoine de l’entreprise SARL Agence thierrypontaine qui en est redevable » ; qu’en statuant ainsi, le juge-commissaire a violé les articles 1er et 3 (2°) de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et L. 622-24 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;

 

3°/ que l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, telles que fixées par l’acte introductif d’instance et les conclusions, le juge ne pouvant se prononcer que sur ce qui est demandé ; qu’en disant que l’admission de la créance au passif de la SARL Agence thierrypontaine n’exonérait pas Les Souscripteurs du Lloyd’s de leur engagement contractuel de garant financier, alors qu’aucune des parties n’avait demandé au juge-commissaire de statuer sur ce point, le juge-commissaire a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

 

4°/ que dans le cadre de la vérification et de l’admission des créances, le juge-commissaire ne peut que prononcer, au vu des propositions du mandataire judiciaire, l’admission ou le rejet des créances ou constater soit qu’une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence ; que le juge ne peut, sans excéder ses pouvoirs, statuer sur une autre question ; qu’en l’espèce, le juge-commissaire était saisi d’une réclamation formée par Les Souscripteurs du Lloyd’s à l’encontre de l’état des créances de la SARL Agence thierrypontaine, placée en liquidation judiciaire ; qu’il lui appartenait simplement de statuer sur cette réclamation ; qu’après avoir rejeté la réclamation, le juge-commissaire a cru pouvoir ajouter que l’admission de la créance au passif de la SARL Agence thierrypontaine n’exonérait pas Les Souscripteurs du Lloyd’s de leur engagement contractuel de garant financier ; que ce faisant, le juge-commissaire a excédé ses pouvoirs et, partant, violé les dispositions des articles L. 624-1 et suivants du code de commerce ;

 

Mais attendu, en premier lieu, que le mandant d’un administrateur de biens a la faculté d’agir en justice contre son mandataire, sans préjudice de la mise en oeuvre de la garantie financière ; que lorsque l’administrateur de biens est en procédure collective, le mandant, auquel les versements effectués entre les mains de celui-ci pour son compte à l’occasion d’une opération mentionnée à l’article 1er de la loi du 2 janvier 1970 n’ont pas été restitués, peut déclarer sa créance de restitution au passif de l’administrateur de biens et en demander l’admission, l’exercice de cette faculté ne remettant pas en cause l’affectation spéciale au remboursement des fonds, effets ou valeurs déposés de la garantie financière prévue par l’article 3, alinéa 2, 2°, de la loi précitée ;

 

que par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, après avertissement délivré aux parties, le rejet de la réclamation se trouve justifié ;

 

Et attendu, en second lieu, que le juge-commissaire retient à bon droit que l’admission de la créance n’exonère pas Les Souscripteurs du Lloyd’s de leur engagement contractuel de garant financier ;

 

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

REJETTE le pourvoi ;… »

 

Quel enseignement peut-on, donc, tirer de cette décision ?

 

Le mandant, à la fois, peut déclarer sa créance de restitution des loyers encaissés au passif (ceci n’étant pas une obligation) et agir contre le garant qui s’est engagé au remboursement des fonds.

 

Ce dernier doit exécuter sa garantie, indépendamment du fait, que le mandant ait ou non déclaré sa créance.

 

Kathia BEULQUE

Vivaldi-Avocats 

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