Le trouble de voisinage engage la responsabilité du propriétaire actuel

Amandine Roglin
Amandine Roglin

Le trouble de voisinage, même né avant acquisition, engage la responsabilité du propriétaire actuel du fonds.

Source : Cass. 3e civ., 16 mars 2022, n° 18-23.954, FS-B

I –

En l’espèce, un couple fait l’acquisition d’une maison.

Peu de temps après, leur voisine déclare un dégât des eaux auprès de son assureur multirisque habitation.

Une expertise amiable indique que l’origine du sinistre se situerait sur le fonds voisin, fraichement acquis par le couple.

La voisine assigne le couple sur le fondement du trouble anormal de voisinage.

Le couple tente de se défendre en indiquant que si l’origine du désordre se situe effectivement sur la propriété fraichement acquise, en revanche, les premiers désordres remonteraient à 1997 et 2005, soit bien antérieurement à leur acquisition.

Ils mettent en cause les anciens propriétaires pour tenter de leur faire supporter la responsabilité du sinistre survenu chez leur voisine.

II –

En cause d’appel, le couple est condamné.

Il forme un pourvoi en cassation.

La Cour de cassation rejette le pourvoi au motif :

« L’action fondée sur un trouble anormal du voisinage est une action en responsabilité civile extra-contractuelle qui, indépendamment de toute faute, permet à la victime de demander réparation au propriétaire de l’immeuble à l’origine du trouble, responsable de plein droit.

Ayant constaté que le trouble subsistait alors que M. et Mme [F] étaient devenus propriétaires du fonds à l’origine des désordres, la cour d’appel en a exactement déduit que leur responsabilité devait être retenue, peu important qu’ils n’aient pas été propriétaires de ce fonds au moment où les infiltrations avaient commencé à se produire.

Le moyen n’est donc pas fondé ».

III –

En statuant ainsi, la Cour de cassation poursuit le mouvement visant à faire supporter au propriétaire actuel tout trouble de voisinage même causé par un tiers.

C’est notamment le cas en cas de trouble de voisinage occasionné par une entreprise de travaux ou par les locataires, la Cour de cassation ayant déjà eu l’occasion de sanctionner directement l’auteur du trouble (en ce sens notamment : Cass. 3e civ., 11 mai 2000, n° 98-18.249).

Rien d’étonnant donc, ce d’autant que les juges continuent de fonder leur décision sur le principe selon lequel « nul ne doit causer à autrui un trouble de voisinage », formulation assez large pour englober une multitude de situations.

S’agissant d’une responsabilité extracontractuelle, l’action en troubles anormaux de voisinage peut être intentée contre tout voisin, quel que soit son titre d’occupation.

Il n’en demeure pas moins qu’au cas d’espèce, le couple peut se retourner contre son vendeur pour solliciter l’annulation de la vente sur le fondement du dol, le vendeur ayant sciemment dissimulé les sinistres ou rechercher la responsabilité et/ou la garantie de leur vendeur afin d’obtenir la réduction du prix ou la résolution de la vente.

En l’espèce, le couple a actionné la garantie des vices cachés mais a été débouté de sa demande en raison de la clause insérée dans leur acte de vente excluant la garantie des vices cachés dès lors que, à la date de la vente, les vendeurs ignoraient l’existence des fuites.

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