Indemnité pour perte de revenus locatifs du propriétaire en cas d’expropriation : la décence des logements expropriés est une condition essentielle.

Marion MABRIEZ
Marion MABRIEZ - Avocat

Lorsque l’expropriation porte sur une habitation principale ne répondant pas aux critères du logement décent que le bailleur est tenu de délivrer à son preneur, le propriétaire exproprié ne peut se prévaloir d’un droit juridiquement protégé à l’indemnisation de la perte de revenus locatifs

Cour de cassation – 3ème Chambre Civile : 11 janvier 2023 – Pourvoi n° 21-23.792 FS B

I –

Une SCI copropriétaire au sein d’une résidence, s’est vu imposée l’expropriation d’un de ses lots qui avait été divisée en deux surfaces.

Ce lot était loué par la SCI.

Cette dernière a agit en justice aux fins d’obtenir une indemnisation au titre de sa perte de revenus locatifs.

La Cour d’appel saisi a fixé la perte de revenus locatifs à la somme de 6270 euros.

Selon la Cour, dès lors que seul donne lieu à réparation le préjudice reposant sur un droit juridiquement protégé au jour de l’expropriation, et la SCI justifiant du droit de propriété et de la conclusion de baux, même s’ils concernent des logements indécents au regard de la superficie inférieure à 9 m², est bien fondée à obtenir une indemnisation.

II –

La Société de Requalification des Quartiers Anciens (SOREQA), dont la mission principale est de lutter contre l’habitat indigne, insatisfaite du sens de la décision de la cour d’appel, s’est pourvue en cassation.

La SOREQA soutient que seule donne lieu à une indemnisation par l’autorité expropriante la perte d’un intérêt ou d’un droit juridiquement protégé mais pour autant, le bailleur d’un logement non conforme aux règles de décences et de dignité ne peut prétendre au paiement d’un loyer de la part du preneur qui y fixe sa résidence principale

Or, au cas d’espèce, le lot exproprié avait été scindé en deux surfaces par la SCI de moins de 9m et en conséquence, les logements étaient non-conformes aux règles de l’habitat décent.

Le droit à indemnisation n’était donc pas justifié.

III –

La Cour de cassation a cassé l’arrêt rendu par la Cour d’appel au visa des dispositions des articles L. 321-1 du code de l’expropriation et l’article 1719 du code civil.

Le premier de ces textes, relatif à l’indemnisation octroyée en cas d’expropriation, dispose que les indemnités allouées couvrent l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation.

L’article 1719 dispose que le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée et, s’il s’agit de son habitation principale, un logement décent.



Or, dans la présente affaire, la Cour d’appel avait constaté que les deux logements loués ne répondaient pas, au regard de leur superficie, aux critères du logement décent que le bailleur est tenu de délivrer à son preneur.

En conséquence, et dès lors que la SCI expropriée ne pouvait se prévaloir d’un droit juridiquement protégé dont la perte ouvrirait droit à indemnisation, l’arrêt d’appel est cassé en ce qu’il fixe au profit de la SCI une indemnité pour perte de revenus locatifs de 6 270 euros,

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