Pour la Cour d’Appel de PARIS, le caractère exceptionnel d’un immeuble peut rendre l’évaluation par comparable impossible, de sorte que l’Administration est bien fondée à opposer au propriétaire sa propre évaluation lorsqu’il met en vente le bien : attention danger
Source :Cour d’Appel de PARIS, 05 décembre 2022 n° 21/03150
I –
Lequel des lecteurs de Chronos n’a-t-il pas laissé trainer son regard sur des sites mettant en ligne les mandats d’agent immobilier parmi lesquels on relèvera, cette liste n’étant pas limitative, les sites : LE FIGARO IMMOBILIER, RESIDENCE IMMOBILIER ou BELLES DEMEURES.
Très rapidement, trois régions sortent du lot en ce qui concerne le prix proposé dans les offres que sont les ALPES MARITIMES, LE VAR et certains arrondissements de la Région Parisienne avec des prix de présentation qui peuvent très largement dépasser les 30 millions d’euros, sans considération d’un marché pertinent puisque les trois quarts du temps, les biens sont proposés comme étant exceptionnels.
Ainsi, le rédacteur de l’article avait-il identifié, en 2022, la mise en vente à RAMATUELLE d’une propriété, pieds dans l’eau, pour 20 millions d’euros, acquise deux ans auparavant pour 8 millions d’euros et quatre ans auparavant pour 5 millions d’euros. C’est ici l’illustration d’un prix d’aubaine qui conduit un certain nombre de propriétaires ou d’investisseurs patients, à attendre l’offre d’un acquéreur, quitte à consentir de sérieuses baisses de prix, par rapport à un prix de présentation qui, lui-même, est dépourvu de tout repaire de marché.
Certains experts, spécialistes de l’immobile prestige, livrent d’ailleurs en confidence que ces baisses de prix peuvent dépasser plus d’une dizaine de millions d’euros en fonction de l’état du bien, ce qui, au regard de la Jurisprudence commentée, risque de poser difficulté.
II –
Le litige examiné par la Cour d’Appel opposait un contribuable propriétaire d’un château du 20ème siècle situé en région parisienne, classé monument historique, composé d’un bâtiment principal sur un parc de 30 hectares labellisé jardin remarquable, comprenant notamment trois lacs, des canaux, qu’il met en vente en 2018 pour un prix de présentation de 28 millions d’euros. Pour autant, dans sa déclaration ISF (nous sommes en 2008), le bien est évalué à 3 620 000 € pour être vendu, trois ans après sa mise en vente, c’est-à-dire en juin 2011, pour un pris de 25 millions d’euros.
Entre deux, l’Administration Fiscale, se déclarant dans l’incapacité d’évaluer ce bien exceptionnel par comparaison avec d’autres biens immobiliers de même nature, s’est appuyé sur la valorisation qu’en faisait le contribuable dans le mandat de vente confié à l’agent immobilier pour redresser l’impôt sur la fortune.
A raison, pour la Cour d’Appel de PARIS qui constate que l’Administration a recherché des termes de comparaison répondant à des critères géographiques, temporels et qualitatifs similaires, sans parvenir à trouver des comparables, de sorte que c’est en définitive le prix de vente qui a été fixé dans le mandat confié à l’agent immobilier qui a servi de référence à une évaluation opposable de l’Administration Fiscale au contribuable.
III –
Les vendeurs ambitieux, propriétaires d’un bien, lui-même exceptionnel, sont invités à plus de prudence. Un prix de vente proposé peut servir de référentiel à l’évaluation, peu importe, par la suite, que ce bien ne soit pas vendu au prix de présentation, en vertu du principe selon lequel une vente ultérieure au fait générateur de l’impôt ne peut constituer une base légale d’évaluation[1].
[1] Voir en ce sens, Cass. Com. 30 octobre 1989 RJF 12/89 n° 1254