Pacte extra-statutaire : est valable un pacte d’associés conclu pour la durée de vie de la société.

Eric DELFLY
Eric DELFLY - Avocat associé

Par son Arrêt, publié au bulletin, la Cour de Cassation clarifie la validité des stipulations relatives à la durée du pacte. Rapide tour d’horizon du droit positif.

Source :Cass. 1ère Civ. 25 janvier 2023 n° 19-25.478 FS-B

I – PETIT TOUR D’HORIZON

Tout signataire d’un pacte extra-statutaire, a nécessairement l’envie que la convention qu’il conclut, s’applique, au moins, le temps que durera son association avec ses partenaires. Ainsi est-il exclu, à la base, qu’un pacte soit conclu pour une durée indéterminée puisque l’article 1211 du Code Civil dispose que « chacune des parties peut y mettre fin unilatéralement en respectant le délai de préavis qui est prévu au sein du contrat ou, à défaut, un délai raisonnable (à apprécier par le Juge) ».

La seule solution est de convenir d’un pacte à durée déterminée qui, lui, est soumis à l’article 1212 du Code Civil, lequel prévoit expressément que « chaque partie doit l’exécuter jusqu’à son terme ».

Et notre associé devra systématiquement répondre à la même question : quelle durée doit avoir mon pacte dans un contexte où j’ignore quelle sera la durée de mon association ?

Plusieurs réponses ont été apportées au fil du temps. La première consiste à fixer le pacte pour une durée longue (5 ans / 10 ans / 15 ans / etc), mais nécessairement arbitraire puisque les signataires sont incapables de savoir si cette période, fût-elle longue, correspondra ou pas à la durée de leur association.

La seconde hypothèse consiste à convenir de la durée du pacte pendant la durée de la société restant à courir, en évitant, bien entendu, d’y ajouter ses éventuels renouvellements successifs, puisque, dans une telle hypothèse, la convention serait qualifiée d’indéterminée au sens de l’article 1211 du Code Civil précité et susceptible d’être résiliée selon les conditions ci-avant visées. Reste en suspens la validité d’une telle stipulation relativement à la prohibition des engagements perpétuels posés par l’article 1210 du Code Civil.

La troisième, et qui en apparence, semble la plus pertinente, est de convenir que le pacte d’actionnaires est prévu pour le temps où les signataires demeureront associés.

II – LA REPONSE DU DROIT PRETORIEN

Dès 2007[1], la Cour de Cassation avait-elle jugé qu’un pacte d’actionnaires prévu pour le temps où les signataires demeureraient associés était conclu à durée indéterminée et pouvait donc être résilié unilatéralement. Cette solution était logique puisque l’actionnaire pouvait être une personne morale, dont la durée de vie pouvait être renouvelée. Lorsqu’il s’agissait d’une personne physique, les droits et obligations, nés du pacte, devaient être acceptés par l’ayant droit à titre universel ou particulier comme condition préalable et nécessaire à son agrément par les associés, etc.

La qualification entrainait la possibilité pour les parties d’y mettre fin sous réserves de respecter un préavis. Si aucun préavis n’était pas respecté, le Juge pouvait autoriser le maintien forcé de la relation jusqu’au terme d’un préavis suffisant[2].

Mais qu’en est-il d’un pacte conclu pour la durée restant à courir de la société (mémoire : éviter le renouvellement) ? D’aucun estimait qu’il s’agissait d’un engagement perpétuel et donc nul au visa de l’article 1210 du Code Civil. Ce n’était pas l’avis de la Cour d’Appel de PARIS[3].

L’Arrêt rendu par la Cour de Cassation, en commentaire, juge de la même manière qu’illicite un pacte d’actionnaires conclu pour la durée de la vie de la société en ce qu’il n’est pas perpétuel. Et bien que l’Arrêt soit rendu par la première Chambre, les lecteurs de Chronos relèveront que c’est la Chambre Commerciale qui a délibéré sur la licéité du pacte d’actionnaires conclu pour une telle durée.

A noter que l’article 10 du pacte prévoyait une conclusion pour la durée de la société au terme de laquelle le pacte serait renouvelé pour la nouvelle durée de la société éventuellement prorogé ; à l’occasion de chaque renouvellement toute partie pouvait dénoncer le pacte en notifiant sa décision au moins six mois à l’avance aux autres parties. De la même manière, l’article 11 du pacte qui devait lier et bénéficier aux héritiers, aux légataires et ayants droits et ayants causes de chacune des parties et notamment leur holding familiale, ainsi leurs représentants légaux.

      

       


[1] Cass. Com. 06 novembre 2007 n° 07-10.620

[2] Cass. Com. 10 novembre 2009 n° 08-13.337 en matière de relation commerciale établie

[3] CA PARIS – Pôle 5/16, 15 décembre 2020 n°20-00220

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