SOURCE : Arrêt de la 2e chambre civile de la Cour de Cassation du 15 mars 2018 n°16-28.333 FS – P + B + I
Un salarié employé par une société d’intérim et mis à disposition d’une entreprise industrielle a été victime d’un malaise cardiaque fatal sur son lieu de travail le 15 avril 2014.
Après enquête administrative, la CPAM a conclu le 3 juillet 2014 au caractère professionnel de l’accident et a notifié à l’employeur, la société de travail temporaire, la prise en charge de cet accident au titre de la législation sur les risques professionnels.
Contestant d’une part le caractère professionnel de l’accident et d’autre part l’opposabilité de la décision de la CPAM compte tenu de la violation du principe du contradictoire, la société d’intérim a saisi la commission de recours amiable de la CPAM de l’Aisne puis le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociales de Saint-Quentin.
A cette instance, est intervenue volontairement la société utilisatrice qui s’est associée aux demandes de la société de travail temporaire.
Déboutée par les premiers juges, l’entreprise de travail temporaire interjette appel de cette décision et cette affaire arrive par-devant la Cour d’Appel d’Amiens, laquelle dans un arrêt du 17 novembre 2016, va confirmer en toutes ses dispositions le jugement intervenu et, quant à l’intervention volontaire de l’entreprise utilisatrice, la Cour d’Appel :
– va relever que l’entreprise de travail temporaire a seule qualité d’employeur juridique des salariés qu’elle met à la disposition des entreprises utilisatrices
– et qu’en cette qualité elle est la seule créancière de l’obligation d’information mise à la charge de la Caisse Primaire par l’article R 441-11 et suivants du Code de la Sécurité Sociale lorsque la déclaration d’accident a été assortie de réserves ou lorsque l’organisme diligente une enquête avant de se prononcer sur le caractère professionnel de l’accident
– et qu’en outre la faculté de contester le caractère professionnel de l’accident sanctionné par l’inopposabilité n’est offerte qu’à l’employeur.
– va également relever qu’aux termes de l’article L.1241-5 du Code de la Sécurité Sociale, les cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles sont à la charge exclusive des employeurs,
– et que, toutefois, pour tenir compte des risques particuliers encourus par les salariés mis à disposition d’utilisateurs par les entreprises de travail temporaire, les articles L. 241-5-1 et R 242-6-1 du même Code prévoient une répartition du coût de l’accident ou de la maladie professionnelle entre l’entreprise de travail temporaire et l’entreprise utilisatrice, répartition susceptible d’être modifiée par le juge dans les conditions et suivant les modalités prévues à l’article R 242-6-3 du Code de la Sécurité Sociale.
La Cour conclut qu’il résulte de ces dispositions que, seule l’entreprise de travail temporaire, employeur juridique des salariés mis à disposition, a qualité à agir en cas de prise en charge d’un accident au titre de la législation professionnelle pour contester l’opposabilité de cette prise en charge, l’entreprise utilisatrice n’étant pas pour autant privée de tout recours puisque la possibilité lui est offerte de contester devant les juridictions du contentieux général de la sécurité sociale en fonction des données particulières de l’espèce, la répartition de la charge financière de l’accident entre elle-même et l’entreprise de travail temporaire.
En conséquence, la Cour d’Appel déclarant que l’entreprise utilisatrice n’avait pas qualité pour agir, la déclare irrecevable en ses demandes.
En suite de cette décision, tant l’entreprise de travail temporaire que l’entreprise utilisatrice forment un pourvoi en cassation, cette dernière basant son pourvoi sur les dispositions de l’article 6 alinéa 1 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales et l’article 1 du Protocole additionnel à la Convention.
Mais la 2e Chambre Civile de la Haute Cour va rejeter les pourvois formés, relevant pour ce qui concerne la société utilisatrice qu’elle n’est pas l’employeur du salarié victime et que, seule l’entreprise de travail temporaire, employeur juridique du salarié mis à disposition, avait qualité pour contester l’opposabilité de la prise en charge d’un accident du travail au titre de la législation professionnelle à raison tant du caractère non contradictoire de la procédure d’instruction que de l’absence de caractère professionnel de l’accident, de sorte que l’entreprise utilisatrice, qui n’avait pas qualité à agir, était irrecevable dans ses demandes.
Christine Martin
Associée
Vivaldi-Avocats