Les pouvoirs contraignants d’un e-mail

Virginie PERDRIEUX
Virginie PERDRIEUX

 

SOURCE : Cour de cassation, 1ère Chambre civile, 1er juillet 2015, M. X. / PPMS, RG n°14-19781

 

En l’espèce, une société avait adressé par e-mail à son expert-comptable habituel un message électronique pour lui demander de lui fournir diverses précisions quant au régime fiscal des salariés français expatriés accomplissant des missions de quelques mois en Tunisie.

 

L’expert-comptable avait répondu par mail aux questions posées au terme d’une consultation écrite et avait joint à son envoi la facture correspondant à ses prestations ainsi réalisées.

 

Cette facture étant restée en souffrance, l’expert-comptable a assigné son client en paiement de celle-ci, outre des dommages et intérêts.

 

En première instance, le Tribunal de commerce de Nanterre a considéré que le courriel adressé par le client à son expert-comptable ne laissait pas apparaître qu’il puisse s’agir d’autre chose que d’une simple prise de contact et d’une demande d’informations générales sur les conditions financières d’une éventuelle intervention, ne procurant aucune valeur contraignante au dit e-mail.

 

La Cour de cassation a fait, pour sa part, une interprétation toute autre des termes du courriel litigieux, lequel mentionnait notamment : « Auriez-vous l’amabilité de me faire parvenir les informations suivantes : Impôts sur le revenu pour un étranger ? Ce pourcentage à appliquer à tous les revenus ou seulement sur le salaire, excluant les indemnités de séjour ? Quelle est la taxe locale ? ».

 

Selon la Haute juridiction, cet e-mail appelait une réponse étudiée du professionnel consulté, de sorte qu’il constituait, en termes clairs et précis, une commande ferme de consultation, emportant pour le client l’obligation de régler la facture éditée par son prestataire.

 

C’est sur ce motif que la Cour de cassation a cassé et annulé le Jugement déféré, considérant que les Premiers Juges avaient dénaturé le courrier électronique en cause, violant ainsi l’article 1134 du Code civil.

 

En effet, il ne saurait être contesté que le contrat de service né entre un expert-comptable et son client est un contrat consensuel, ne nécessitant pas de conditions de formes pour être valide.

 

Ainsi, bien que la solution dégagée par la Cour soit tout à fait prévisible, elle présente une portée non négligeable, puisqu’elle s’avère parfaitement transposable à toute relation contractuelle qui pourrait exister entre un professionnel libéral et son client.

 

A tout le moins, si le client souhaite seulement obtenir un devis sur les prestations qu’il envisage de confier au professionnel, il lui sera vivement conseillé de prendre le soin de le préciser explicitement dans ses courriels, sous peine de s’engager contractuellement de façon ferme et irrévocable.

 

Virginie PERDRIEUX

Vivaldi-Avocats

 

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