Source : CE, 14/10/2015, n°374211, mentionné dans les tables du recueil Lebon
Un contribuable détenait directement des titres d’une société non cotée en bourse. Lors de son acquisition, il ne les a pas inscrits sur le PEA dont il était déjà titulaire.
Pour rectifier cette situation, il a procédé à un virement sur le compte espèces de son PEA, a cédé les titres qui ont ensuite été inscrits sur son PEA et a viré les espèces résultant de la vente sur son compte bancaire.
En d’autres termes, il s’est vendu à lui-même des titres pour pouvoir les inscrire sur son PEA.
Lors de la cession de ces titres à un tiers, il a bénéficié de l’avantage fiscal prévu en la matière (exonération d’impôt sur le revenu).
L’administration fiscale a remis en cause cet avantage estimant que l’opération de vente à soi même était constitutive d’un abus de droit.
L’administration fiscale peut en effet en vertu de l’article L64 du LPF écarter un acte constitutif d’abus de droit « soit que ces actes ont un caractère fictif soit que recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supporté ».
Dans ce cas, elle écarte l’acte critiqué et requalifie la situation.
A l’évidence, la vente n’est pas fictive. L’administration fiscale lui reprochait son but exclusivement fiscal, la vente ne constituait en réalité qu’un transfert de titres, un opération intercalaire.
Elle n’a donc pas tenu compte de l’inscription sur le PEA pour calculer les droits dus, empêchant ainsi le contribuable de bénéficier des avantages fiscaux attachés au PEA.
Le Conseil d’Etat ne partage pas la position de l’administration fiscale.
Il juge que « l’épargnant qui effectue des versements en numéraire sur son PEA pour acheter des titres qui lui appartiennent déjà réalise une opération, d’ailleurs susceptible de dégager une plus value imposable avec ses revenus au cours de l’année de la cession, qui ne peut être assimilée à un simple transfert de titres et qui ne méconnait pas l’objectif de la loi qui, ainsi qu’il ressort de ses travaux préparatoires, était d’encourager les ménages à constituer une épargne longue et d’orienter cette épargne vers l’entreprise ».
En résumé, l’abus de droit n’est pas constitué pour les raisons suivantes :
L’opération ne permet pas au contribuable d’échapper à l’impôt puisqu’il est redevable de l’impôt s’il a réalisé une plus value lors de la vente à lui-même ;
Elle ne méconnait pas les objectifs du PEA puisque le contribuable a bien investi dans l’économie en acquérant des titres de société.
Caroline DEVE
Vivaldi-Avocats