Constat d’achat sur internet et saisie-contrefaçon déguisée : nouvel épisode

Diane PICANDET
Diane PICANDET - Avocat

  

Source : Civ.1ère, 20 mars 2014 n°12-18.518

 

Prouver des actes de contrefaçon peut s’avérer fastidieux.

 

C’est ainsi que la loi autorise les présumées victimes à faire pratiquer des saisie-contrefaçons sur autorisation du Juge.

 

La disparition progressive des magasins physiques au profit des sites internet marchands rend parfois délicate la mise en œuvre de cette procédure, notamment parce que la saisie-contrefaçon oblige le requérant, avant toutes opérations de saisie, de porter à la connaissance du saisi la requête et l’ordonnance les autorisant.

 

La nullité des procès verbaux de constat d’achat sur internet est un moyen de défense régulièrement soulevé par les présumés contrefacteurs, considérant que ceux-ci s’apparentent à des saisies-contrefaçons déguisées.

 

Par un arrêt en date du 26 avril 2013, la Cour d’Appel de Paris avait validé un constat d’achat sur internet suivi d’une saisie-contrefaçon effectué dans les locaux de l’huissier.

 

L’article présumé contrefaisant n’étant plus disponible dans les magasins physiques du présumé contrefacteur, l’huissier n’avait eu d’autre choix que de passer commande du produit litigieux sur internet depuis ses locaux. A réception, il s’était vu autoriser sur requête à procéder à la saisie-contrefaçon des marchandises réceptionnées.

 

La défense avait soulevé la nullité des opérations considérant qu’elle avait été privée du droit d’information préalable (connaissance préalable de la requête et de l’ordonnance autorisant la saisie).

 

L’huissier n’ayant pas procédé à une description détaillée des produits lors de leur livraison, la Cour avait rappelé qu’un huissier pouvait parfaitement procéder à un constat d’achat sur internet sans autorisation du juge pourvu qu’il se contente que d’effectuer des constatations purement matérielles, ce qui était le cas. L’huissier avait également décliné son identité lors de la commande, il n’avait donc employé aucune méthode déloyale.

 

Concernant le défaut d’information préalable, la Cour avait estimé que le présumé contrefacteur avait eu connaissance des opérations de saisie à réception de l’assignation au fond.

 

Cette décision est cependant considérée comme un cas d’espèce puisque la saisie dans les magasins physiques s’était révélée impossible.

 

Dans l’arrêt qui nous occupe, l’huissier saisi d’une demande de constat d’achat sur internet, avait ouvert un compte client à son nom, commandé et s’était fait livré les produits contrefaisants en son Etude puis les avaient placés sous scellés.

 

La défense considérait qu’il s’agissait d’une saisie-contrefaçon déguisée puisqu’un huissier ne pouvait valablement procéder à un constat d’achat qu’à une double condition : décliner son identité et ne pas se heurter au refus du propriétaire de pénétrer les lieux.

 

La Cour d’Appel avait annulé le constat considérant que l’huissier avait eu une démarche active et déloyale puisqu’il avait ouvert un compte-client, inscrit sa qualité d’huissier dans la rubrique « complément d’adresse » et non dans la rubrique « information complémentaire » et avait placé les produits sous scellés.

 

La Cour de Cassation confirme l’Arrêt : l’huissier s’était activement engagé dans une démarche matérialisée par l’ouverture d’un compte client et par l’acquisition du produit litigieux pour en obtenir la livraison et qu’il n’avait été satisfait à sa demande qu’à la faveur d’un traitement automatisé, la Cour en a exactement déduit qu’il ne s’était pas borné à des constatations purement matérielles (…).

 

Il sera relevé que dans cette affaire des opérations de saisie avaient été par ailleurs diligentées dans les magasins physiques du présumé contrefacteur, contrairement à l’affaire jugée en 2013 où ces saisies s’avéraient impossibles.

 

Diane PICANDET

Vivaldi-Avocats

 

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