Remboursement de comptes courants d’associés débiteurs : attention au point de départ du délai de prescription

Victoria GODEFROOD BERRA
Victoria GODEFROOD BERRA

 

 

Source : Cass., 1ère civ., 27 juin 2018, n° 17-18.893

 

            I – Retour sur la notion de compte courant d’associé

 

Définition

 

Outre les apports en numéraire dont le total mesure le capital social de la société, les associés peuvent participer au financement de leur société via des comptes courants d’associés.

 

Ce recours de financement est défini comme un prêt consenti par les associés à la société (qu’ils lui versent directement ou laissent à sa disposition des sommes qu’ils renoncent provisoirement à percevoir) de sorte que les premiers deviennent créanciers de la seconde[1].

 

Les comptes courants d’associés constituent ainsi une exception au monopole bancaire au profit des associés[2] puisque ces derniers jouent alors un rôle analogue à celui de banquier lorsque leur compte courant est créditeur.

 

Quid d’un compte courant d’associé débiteur ?

 

Situation débitrice

 

Dans l’hypothèse d’un compte courant d’associé débiteur, c’est bien la société qui détient une dette sur l’associé (et non plus l’inverse). Le compte courant est alors inscrit à l’actif du bilan de la société.

 

Notons que ce cas de figure constitue une limite à ne pas franchir selon la forme juridique de la société.

 

Si pour une société civile immobilière un compte courant d’associé peut être débiteur (ce qui n’est pas interdit mais constitue malgré tout une opération inhabituelle pour ne pas écrire irrégulière), cette situation est strictement interdite pour les SARL et les sociétés par actions, et même relève d’une faute de gestion tombant notamment sous le coup de l’abus de biens sociaux.

 

            II – Demande de remboursement d’un compte courant d’associé

 

Action en paiement

 

En principe, dès lors que le « prêt » a été consenti sans condition de délai, l’associé peut décider librement du moment où il entend demander le remboursement de son compte courant[3].

 

Exception : l’aménagement contractuel. Les associés peuvent convenir par écrit des conditions de remboursement de leur compte courant, du délai de préavis, des modalités pratiques, notamment via une convention de blocage. La société est de la sorte davantage protégée des demandes de remboursement faites à contretemps et risquant de ruiner son équilibre.

 

A l’inverse, l’existence d’un compte courant d’associé débiteur inscrit à l’actif du bilan d’une société (≠ SARL et sociétés par actions) peut présenter un intérêt à agir cette dernière dans le cadre d’une action en paiement.

 

Au visa des articles 110-4 du Code de commerce et 2224 du Code civil, la prescription d’une demande de remboursement d’un compte courant d’associé est acquise avec le délai de 5 ans.

 

Quid du point de départ de ce délai ?

 

Attention au point de départ du délai de prescription

 

Dans l’arrêt commenté, Madame Y, associée au sein de la société civile immobilière CMR (ci-après « la SCI ») présente un compte courant d’associé débiteur.

 

Par assignation du 19 mai 2014, la SCI représentée par son gérant, Monsieur X, et ce dernier en son nom personnel sollicite le paiement du solde débiteur du compte courant d’associé de Madame Y.

 

La Cour d’appel de Pau a déclaré cette demande irrecevable car prescrite en retenant que :

 

l’exigibilité du compte courant était immédiate en raison d’une demande de remboursement possible à tout moment ; et

 

la prescription quinquennale est acquise en raison de l’absence d’opération sur le compte courant d’associé litigieux.

 

Plus précisément, les juges du second degré ont considéré qu’un compte courant d’associé étant remboursable à tout moment, son exigibilité était immédiate, mais surtout, puisque aucun mouvement n’avait été observé sur le compte courant d’associé de Madame Y depuis le 31 décembre 2008, l’exigibilité était acquise le 31 décembre 2013 de sorte qu’au moment de la signification de l’assignation, l’action en paiement était déjà prescrite.

 

Censure de la Cour de cassation. Pour juger l’action irrecevable sur le fondement de l’article 122 du Code de procédure civile, la Cour d’appel aurait dû :

 

soit, constater la clôture du compte courant d’associé depuis (au moins) 5 ans ;

 

soit, constater une demande de paiement de la SCI (et de son gérant) faite depuis (au moins) 5 ans.

 

Ainsi, par cet arrêt, la Haute juridiction vient donc rappeler que :

 

1) l’exigibilité du paiement du compte courant d’associé est générée soit par une demande en paiement de celui-ci, soit par sa clôture ; et

 

2) le délai de prescription pour une action en paiement de compte courant d’associé court à compter de l’un des deux faits générateurs précités.

 

Victoria GODEFROOD-BERRA

Vivaldi-Avocats


[1] Réponse ministérielle, JO Sénat, 22 octobre 1980

[2] H. Hovasse, Comptes courants d’associés et monopole des banques : JCP E 2010, 1284

[3] Cass. com. 3 novembre 2004, n° 01-17491 ; Cass. com. 8 décembre 2009, n° 08-16.418 ; Cass. com., 10 mai 2011, n° 10-18749

 

 

 

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